Xavier Lardoux : « On dépense trop peu dans la phase d’écriture »
Le directeur du cinéma du CNC était l’invité de la SACD sur son stand cannois le 18 mai.Après les directrices Cinéma de France 2 et France 3, la SACD recevait à Cannes Xavier Lardoux. Le directeur du cinéma au CNC est revenu au cours de sa rencontre avec les auteurs sur le bilan et les perspectives d’action du CNC.
Du coté du bilan, il a souhaité souligner quelques chiffres : pour la 5e année consécutive, la France a accueilli dans les salles plus de 200 millions de spectateurs ; la part de marché du film français reste aux alentours de 40% alors que dans la plupart des autres pays européens, ce chiffre ne dépasse pas 15-20% ; le CNC est un soutien fort des cinémas du monde. Sur les 170 films présentés à Cannes, 60 films, français comme étrangers, ont bénéficié du soutien du CNC et notamment de l’aide au cinéma du monde.
« L’écriture, c’est la recherche-développement de l’industrie cinématographique »
Les perspectives pour l’avenir passent beaucoup par un renforcement du soutien à l’écriture. L’étude commune que le CNC a réalisé avec la SACD et qui a été rendue publique en avril dernier a permis d’avoir enfin une photographie précise et objective du financement de la phase d’écriture dans les films de long-métrage comme dans les séries. A partir de l’analyse de près de 1700 contrats et des informations issues de l’agrément des films, il en ressort deux faits saillants :
- la part du budget écriture se situe entre 3% et 4% (pour Xavier Lardoux, « l’écriture, c’est la recherche-développement de l’industrie cinématographique et dédier uniquement 3 à 4% dans l’écriture est dangereux et insuffisant ») ;
- les scénaristes sont souvent soumis à des délais trés longs pour être payés (40% de la rémunération d’un auteur individuel n’est versé qu’au moment de la mise en production du film).
Face a ces constats, le CNC a engagé une réflexion pour faire évoluer les règles et atteindre plusieurs objectifs : mieux rémunérer les auteurs ; accroître la part de financement de l’écriture ; accélérer le paiement des auteurs ; améliorer la qualité des oeuvres. Pour Xavier Lardoux, ce dernier objectif permettrait aussi d’apporter une réponse à la question qui agite souvent le cinéma : la France produit-elle trop de films ?
D’ailleurs, Il a tenu à rappeler que l’augmentation du nombre de films est un phémonène mondial. Si la France a produit l’an dernier 235 films, l’Allemagne et l’Espagne ne sont pas trés loin.
Plusieurs leviers sont à la disposition du CNC pour agir. Le premier levier viserait à inciter les producteurs à augmenter le pourcentage dédié au scénario dans le budget ; le second levier est d’agir sur les aides sélectives déjà disponibles : l’aide à la conception qui permet aux auteurs de pouvoir bénéficier d’une aide semi-automatique de 10 000€ pour peu que leur film d’un budget inférieur à 4 millions d’€ soit sorti en salles l’année précédente ; l’aide à l’écriture et à la réécriture (20 à 30 000 € par projet) ; l’aide au développement d’un montant de 25 à 70 000 € versée aux producteurs. Ces aides complétent d’ailleurs les résidences d’écriture que soutient déjà le CNC.
Il s’est fait aussi l’écho de la nécessité de développer la formation initiale et continue des auteurs dont il lui semble qu’elle devrait être renforcée, comme le font notamment les pays scandinaves ou Israël.
Une aide spécifique au film de genre
Lors de ces échanges, Xavier Lardoux est aussi revenu sur la mise en place d’une aide spécifique pour les films de genre. Un fonds de 1,5 millions d’euros a été degagé avec la volonté d’aider massivement quelques projets et d’éviter tout saupoudrage. Trois films d’épouvante et d’horreur, genre retenu pour cette première édition, ont été soutenus à hauteur de 500 000 € chacun par une commission, présidée par la cinéaste Julia Ducourneau. Pour l’année 2019, ce sont 3 projets de comédie musicale qui bénéficieront de cette aide spécifique qui ne peut se cumuler avec l’avance sur recettes.
A une question posée par un scénariste, sur la place du scénariste non réalisateur dans le cinéma, il a rappelé que la France vivait encore sur l’héritage de la Nouvelle Vague qui a placé en son coeur la personne de l’auteur-réalisateur. C’est d’ailleurs un des constats de l’étude CNC-SACD. Pour le CNC, l’urgence est de revaloriser la place du scénariste, qu’il soit ou non réalisateur.
Pour compléter le constat de cette urgence, Pascal Rogard, directeur général de la SACD, a rappelé que les scénaristes ne bénéficiaient pas du statut d’intermittent du spectacle et n’avaient pas, comme les Américains, de conventions collectives permettant d’encadrer efficacement leur travail et leurs relations contractuelles avec les producteurs. C’est pour la SACD un des chantiers à faire aboutir rapidement pour changer la donne.