Muriel Robin fait son intéressante et on en redemande
Invitée de Mots en scène, l'humoriste est revenue sur sa carrière sur scène et a revisité sans se faire prier quelques-uns de ses textes et de ses sketches. Un grand moment.Muriel Robin était le 22 novembre la première invitée de la saison de Mots en scène, le rendez-vous de la SACD dédié à l'écriture dramatique qu'anime le journaliste Olivier Barrot. L'humoriste était ravie d'être reçue comme auteure et s'est pliée avec un plaisir très communicatif à la lecture de quelques-uns de ses sketches les plus fameux ainsi que de textes moins connus. La rencontre fut aussi l'occasion de revenir sur les moments forts de sa carrière. Et d'aborder des éléments plus personnels de son parcours alors que vient de paraître chez XO Editions, son autobiographie Fragile.
Olivier Barrot lui a notamment proposé de revenir sur quelques-unes de ses rencontres les plus marquantes, par exemple avec Michel Bouquet, qui fut son professeur d'art dramatique au Conservatoire. "C'était la première fois que je voyais autant d'intelligence réunie en une seule personne. Chaque fois qu'il parlait, je me disais «Ah voilà, c'est ça !» Tous les deux, on se comprend." Un allié de poids pour surmonter cette épreuve que fut pour Muriel Robin le Conservatoire. Rentrée première, elle ne trouva jamais sa place et se heurta à l'hostilité des autres élèves. "Je dérange, j'ai des tics, je fais du boulevard, je vendais des chaussures six mois avant et ma connaissance du théâtre se limite à Jacqueline Maillan que j'ai vue une fois dans Croque-monsieur. Je me ternis."
Avec Pierre Palmade, une complémentarité "vertigineuse"
Une nouvelle rencontre lui permet de reprendre confiance en elle, celle de Roger Louret. Elle suit le metteur en scène dans son village du Lot-et-Garonne, Monclar, en 1979 où au sein des Baladins en Agenais elle joue du Carlo Goldoni et les propres textes de Louret. "Il réouvre mes ailes complètement pliées, et en validant mon tempérament et ma nature, me permet de me construire comme comédienne."
De retour à Paris où elle commence à écrire et jouer pour le Théâtre de Bouvard, elle fait une troisième rencontre, décisive : Pierre Palmade. Il lui dit qu'elle est une de ses comédiennes préférées. Elle lui demande qui sont les autres : Jacqueline Maillan et Sylvie Joly. Convaincue, elle se laisse même entraîner dans un vague projet de one-man-show, elle qui ne voulait pas en entendre parler jusque-là. Ils dînent ensemble et trois semaines plus tard elle est sur scène avec quelques-uns de ses sketches les plus fameux : Le Noir, L'Addition... Les textes ont été écrit à quatre mains au rythme invraisemblable d'un par après-midi. "C'est vraiment avec lui que je découvre l'écriture à ce moment-là. Il me dit que je suis drôle sans le savoir. Lui savait qu'il l'était. Notre complémentarité est vertigineuse. Je suis dans son cerveau, lui un peu moins dans le mien. (rires) Nos séances d'écriture relèvent de la transe : à toi ! à moi ! " La méthode s'affine et n'a, au fil des ans, pas changé : "C'est toujours lui qui trouve le thème. Je n'ai pas assez confiance en moi pour vendre une idée alors que quand lui la dit, c'est génial." Lui, debout, avance ses idées en faisant les cent pas ("il m'a flingué des moquettes"), elle, à la saisie, rebondit et retravaille ("je suis plus sensible à la construction et suis plus exigeante, c'est dommage de se contenter de ce qui vient facilement").
A tomber de sa chaise
De son classique d'entre les classiques, Le Noir, elle affirme qu'ils l'ont écrit en une heure. Pierre Palmade en avait écrit une première version qu'il trouvait faible. Ensemble ils façonnent ce qui reste un de ses sketches les plus multi-rediffusés à la radio et à la télé. "On savait que c'était très efficace. En l'écrivant, on en tombait de nos chaises. Littéralement : Pierre est tombé de sa chaise. (rires)" Invitée à reprendre le sketch, Muriel Robin, qui le redécouvrait après des années sans l'avoir joué, n'en était pas loin non plus, au bord des larmes ("Ce que c'est drôle !") et offrant au public de la MDA comme l'a souligné Olivier Barrot la vision rare et précieuse d'une auteure hilare à la lecture de sa propre prose [à voir sur la vidéo à partir de 22'].
Mêmes éclats de rire au moment de redécouvrir L'Addition, autre incunable, qui leur prit celui-là deux après-midi à écrire avec Pierre Palmade. "Je voulais que ce soit parfait y compris sur le résultat du calcul, alors que Pierre s'en fichait. Mais le texte doit être béton car ensuite sur scène je me refuse à en changer d'un iota. Je m'interdis totalement d'improviser, alors qu'en plus j'adore ça." De L'Addition, elle dit qu'il est le plus fatigant de ses sketches. "Je le gardais toujours pour la fin celui-là. Si tu n'es pas très énervée, ça ne marche pas." [à partir de 50']
La soirée fut également entrecoupée de moments plus graves comme lors de de ses mots émus pour Annie Girardot dont elle fut proche, notamment dans les derniers moments, et lorsqu'elle rapporta des échanges durs avec sa mère. "Va faire ton intéressante" lui asséna cette dernière un soir de spectacle, traumatisme qui a failli devenir le titre de ses mémoires.
Enfin Muriel Robin aborda également d'autres spectacles ne ressortant pas du one-woman-show, tels Au secours !, son grand show mêlant humour et numéros dansés, ou plus récemment, Momo, la pièce de Sébastien Thiéry dans laquelle elle jouait aux côtés de l'auteur et de François Berléand. Mais l'on en est encore revenu in fine à ses grands sketches emblématiques, puisque le grand scoop de la soirée, c'est que Muriel Robin les reprendra prochainement sur scène. Et qu'elle écrit même une suite au Noir !