Suppression de la redevance audiovisuelle : la démagogie en marche
Le président-candidat Emmanuel Macron a annoncé hier à Poissy sa volonté de supprimer la contribution à l’audiovisuel public.À l’occasion de son premier déplacement de campagne à Poissy, le président-candidat Emmanuel Macron a annoncé sa volonté de supprimer la contribution à l’audiovisuel public.
La reprise de cette proposition, déjà défendue par Marine Le Pen en septembre avant d’être promue par Eric Zemmour en décembre, est d’un cynisme insupportable.
La réforme de la contribution à l’audiovisuel public était devenue inéluctable avec la suppression d’ici la fin de l’année de la taxe d’habitation à laquelle elle était adossée. À juste titre, nombre de rapports parlementaires transpartisans mais aussi très récemment Roselyne Bachelot, ministre de la Culture, se sont succédé pour rappeler à la fois l’anachronisme de cette taxe, l’urgence d’une réforme et la nécessité de dégager un financement pérenne, affecté directement à l’audiovisuel public, adapté à la réalité des usages audiovisuels, dynamique et garant de l’indépendance du service public.
Ce sont aussi le sens et les termes de la mission que le Premier ministre, Jean Castex, a confié en octobre dernier aux inspections générales des finances et des affaires culturelles et qui devait remettre son rapport au printemps.
Pour sa part, la SACD avait plaidé pour l’instauration d’une contribution universelle, déconnectée de la possession d’un poste de télévision, et qui pourrait être progressive pour tenir compte des ressources du foyer et être ainsi fiscalement juste.
En annonçant brutalement sa volonté de supprimer la redevance, le candidat-président assume un choix hypocrite et dangereux. Hypocrite car les ressources qui ne seront plus issues de la redevance devront être prélevées sur les ressources de l’État, financées par les impôts des Français. Dangereux car ce choix aboutira à la fragilisation de l’audiovisuel public et à la remise en cause de son indépendance en soumettant son financement aux aléas et au bon vouloir des décisions gouvernementales conjoncturelles et de chaque loi de finances.
Au sortir d’un quinquennat qui a malmené l’audiovisuel public, il y a de quoi être inquiet. La SACD n’oublie pas en effet que ces 5 dernières années auront été celles d’un plan d’économies drastiques de l’audiovisuel public qui a vu, de façon inédite, ses ressources être lourdement amputées de plus de 200 millions d’euros.
Aujourd’hui, qui peut sérieusement croire que l’engagement à maintenir un financement adapté de l’audiovisuel public à partir du budget de l’État pourra être tenu ? Qui peut croire que le financement de l’audiovisuel public restera de façon intangible une priorité dans un État lourdement endetté, qui va devoir prendre de nouveaux engagements pour répondre au défi du pouvoir d’achat des Français, qui entend augmenter les salaires des professeurs, financer la grande dépendance, encore renforcer ses investissements dans l’armée, ou encore investir pour son indépendance énergétique et abonder le plan climat ? À cet égard, les déclarations du porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, évoquant le vote d’un budget sur 5 ans auquel le gouvernement ne pourrait déroger ne manquent pas de surprendre : un tel engagement pluriannuel serait, en l'état actuel du droit, constitutionnellement bancal et se heurterait à des obstacles juridiques.
Les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent. Il faut malheureusement être sûr qu’avec la budgétisation annoncée de ses ressources, l’audiovisuel public deviendra demain la variable d’ajustement des urgences financières successives de l’État et risquera d’être sacrifié sur l’autel d’autres priorités.
Il est nécessaire d’éloigner tout risque de déstabilisation du service public audiovisuel qui affecterait gravement le pluralisme de l’information et le soutien à la création audiovisuelle et cinématographique, dont l’audiovisuel public est un pilier central. C’est pourquoi la SACD demande le maintien d’une ressource fiscale affectée au financement de l’audiovisuel public.
L’avenir de l’audiovisuel public est clairement un enjeu démocratique majeur dans les temps troublés qui sont les nôtres. Face à une désinformation de masse, portés par des organes de propagande ou inondant les réseaux sociaux, le service public constitue un pôle d’équilibre garantissant une information pluraliste et honnête.
Cette responsabilité éminente qu’il porte, dans une société fragmentée, doit aussi être consacrée et renforcée au regard des mouvements de concentration qui agitent le paysage audiovisuel privé et qui donnent lieu actuellement à une commission d’enquête du Sénat. Le pluralisme et la diversité ne sauraient être mieux défendus et exprimés que par un service public puissant.
Dans ce contexte, se livrer à une telle opération de clientélisme électoral n’est ni sérieux, ni responsable, ni à la hauteur des enjeux.