Audiovisuel 06 mar 2020

Projet de loi audiovisuel : un regrettable recul sur les droits des auteurs

A l’issue de l’examen du projet de loi audiovisuel en Commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale, la SACD fait le constat d’un recul réel de la protection des droits des auteurs par rapport au texte porté par le ministre de la Culture, Franck Riester.

A côté de la volonté d’établir des règles du jeu équitables entre les acteurs du numérique et les diffuseurs historiques et de faire contribuer les plateformes au financement de la création, le projet de loi du gouvernement dessinait une autre avancée : mettre un terme au contournement des droits des auteurs à l’ère numérique.

Cette ambition a été rognée par la majorité parlementaire. Si elle a fort heureusement confirmé la place des auteurs dans les négociations professionnelles qui les concernent, en soulignant d’ailleurs le rôle important que les sociétés d’auteurs devront y jouer, en revanche, elle n’a pas été au rendez-vous de la protection des droits moraux et patrimoniaux des auteurs.

En effet, contre l’avis du gouvernement, un amendement déposé par Aurore Bergé, rapporteure générale, a été adopté. S’il était confirmé en séance, il aurait pour conséquence de vider de son sens le nouvel article qui devait responsabiliser les diffuseurs en veillant à ce que seules les œuvres respectant le droit d’auteur à la française, tant le droit moral de l’auteur que son droit à une rémunération proportionnelle, puissent être prises en compte dans les obligations d’investissement déclarées au CSA.

C’est là un pilier de la politique portée par Franck Riester pour remettre les auteurs au cœur de la politique audiovisuelle. Il est indispensable qu’il soit consolidé et conforté.

Il n’est pas admissible que celles et ceux qui déclarent vouloir mettre un terme au régime d’irresponsabilité des plateformes soient prêts en même temps, à autoriser ces diffuseurs, chaînes historiques ou plateformes, à comptabiliser dans leurs obligations des œuvres qu’ils financent et dont les contrats contiendraient des clauses illégales et contraires à toutes les règles françaises en matière de droit d’auteur.

La démarche est d’autant plus étonnante que la rapporteure générale a aussi porté, à juste titre, une proposition utile pour rendre plus efficace le dispositif de la réponse graduée, en mettant en place une transaction pénale, qui n’a malheureusement pas été retenue pas ses collègues députés.

Ce recul sur cette disposition assurant le non-contournement des droits des auteurs de cinéma et d’audiovisuel est aussi regrettable car l’examen du texte n’a apporté aucune avancée nouvelle permettant de mieux protéger les auteurs et de mieux les associer au succès de leurs œuvres. Alors que la production indépendante a vu son statut et ses protections encore renforcés, le projet de loi reste encore muet sur le nécessaire rééquilibrage des relations individuelles entre auteurs et producteurs.

Enfin, les débats qui ont eu lieu autour d’un moratoire sur France 4, qu’ont porté et soutenu le groupe socialiste ainsi que les députés Frédérique Dumas et Jean-Jacques Gaultier, que la SACD remercie vivement, n’ont pas été à la hauteur des enjeux et de la baisse drastique annoncée de la diffusion des œuvres d’animation et jeunesse sur les chaînes hertziennes du service public : en l’état, c’est 35% de programmes jeunesse en moins.

Les enfants, les populations présentes dans les zones blanches ou celles qui n’ont pas les moyens de payer un abonnement mensuel à Internet pour avoir accès à la plateforme numérique de France Télévisions, les professionnels, auteurs et producteurs, inquiets des conséquences de la suppression de France 4, méritent mieux qu’un débat bâclé et des fins de non-recevoir.

La SACD espère que l’examen du projet de loi en séance publique fin mars permettra de renouer avec l’ambition initiale défendue par le gouvernement d’aboutir à une régulation audiovisuelle qui assure davantage le respect des droits des auteurs. Elle souhaite même que la loi puisse aller au-delà et que les députés puissent encore l’enrichir, car pour prospérer dans ce nouveau paysage numérique, notre pays doit offrir à ses créateurs et à ses talents un cadre aussi protecteur que novateur pour leurs droits, leur statut et leurs rémunérations.