Cinéma 25 mai 2020

Hommage à Jean-Loup Dabadie

Laurent Heynemann, premier vice-président de la SACD, salue la mémoire de l'incontournable auteur disparu le 24 mai dernier.

Journaliste, romancier, trousseur de sketches et de chansons, auteur dramatique, metteur en scène, traducteur, scénariste et dialoguiste, par quel bout attraper Jean-Loup Dabadie pour lui rendre hommage ?

La liste des œuvres est longue, l’homme était délicieux et la SACD a eu l’honneur de lui remettre son Prix du Cinéma (1979) et le Prix Jeanson pour l’ensemble de son œuvre en 2004.

Au cours de ces cérémonies je me souviens de lui « jouant le jeu » sans émotion pathétique mais avec une fierté mesurée et sensible.

Michel Piccoli l'a appelé un jour "un écrivain mélancomique". C’est bien définir son œuvre.

Parce que l’on peut évoquer sa mémoire et lui rendre hommage en appréhendant une globalité, un regard sur le monde, une cohérence par sa forme d’humour et son humanité.

Une même causticité délicate et tendre, un même attrait pour l’auto- dérision croisent ses chansons, ses sketches, ses pièces, ses romans et ses scénarios.

De toutes les formes d’expression qu’il a pratiquées, il nous reste quelque chose de commun, comme un parfum d’acuité sur les comportements de nos contemporains, de tendresse pour ses personnages et de goût de la drôlerie.

Conteur intarissable d’anecdotes, il faut relire « Conversations avec Jean-Loup », livre d’entretiens si drôles qu’il composa avec sa femme Véronique.

Deux souvenirs : il avait inventé un concept pour définir cet usage professionnel qui pousse les amis à vous presser de lire leur scénario en insistant sur la nécessaire sincérité du retour de lecture. La demande est de surtout ne pas les épargner.

L’amitié nous impose la lecture du texte avec l'attention nécessaire pour argumenter son diagnostic. Et quand on le rend avec les réserves et les remarques soigneusement listées, on se heurte à l'agressivité de l'ami en question dont on se fait aussitôt un ennemi.

Il disait aussi qu’un scénario compte deux temps : le temps debout et le temps assis. Debout, on s’agite avec les collaborateurs, on arpente avec le réalisateur, on marche en racontant, on sillonne en cherchant.

Assis, c’est le moment solitaire de l’écriture.

Puisque tous les clichés sur l’œuvre de Claude Sautet (son œuvre serait la chronique d’une France pompidolienne) sont ressortis au moment du décès si proche de Michel Piccoli, il est bien temps de rappeler que l’œuvre de Sautet était âpre et violente, et que Dabadie lui a apporté une grâce, un charme, une élégance qui l’a fait surgir de sa noirceur et a donné à sa dimension tragique un parfum de comédie sociale qui l’a rendue si universelle.

Laurent Heynemann

 

Photo : © Pascal GELY - Agence Bernand / Collection Armelle & Marc Enguerand