Théâtre 15 jan 2018

Hommage à Françoise Dorin

Brigitte Buc, présidente de la commission Théâtre de la SACD, salue la mémoire de l'autrice de théâtre, disparue le 12 janvier.

Le succès a toujours accompagné les différentes créations de Françoise Dorin qui vient de disparaître à presque 90 ans.

Comédienne, elle forme à ses débuts, avec deux autres enfants de la balle, Suzanne Gabriello et Perrette Souplex, le trio insolent des « Filles à papa ». La petite troupe possède l’esprit des chansonniers mais avec la sensibilité de trois jeunes femmes, impertinentes et joyeuses comme l’air du temps de l’époque, on sort tout juste de la guerre.

Lorsqu’ elle se met à écrire des romans, elle enchaine les best-sellers. Ses livres ont souvent pour thème les rapports hommes femmes avec une vision plus iconoclaste qu’on ne pourrait le supposer : Va voir Maman, Papa travaille, est un réquisitoire contre la maternité, et, au début des trente glorieuses, c'est plutôt culotté. Les lits à une place, qui dépasse le million d’exemplaires, est pour sa part une critique acerbe et drôle de la vie conjugale.

Ces livres bousculent, l’air de rien, la place convenue des femmes dans le milieu bourgeois qui est le sien et qu’elle dépeint le mieux.

A un journaliste qui lui en fait le reproche, elle répond avec la répartie et la vivacité qui lui sont coutumières : « Les bourgeois sont des gens qui existent et dont j’espère que vous pensez qu’ils ont le droit d’exister ».

Parallèlement à sa carrière de romancière, (plus de 25 livres !) elle consacre à l’écriture dramatique près d’une vingtaine de pièces.

Là encore, elle triomphe et fait le bonheur d’un public qui se presse à chacune de ses productions. Véritables phénomènes de société, ses pièces connaissent un succès inouï : Elles seront jouées plus de mille fois de suite à leur création à Paris : Un Sale égoïste, incarné par Paul Meurisse, L’Intox par Jeanne Moreau, Le Tube avec François Perrier, La Facture, Le Tournant, etc…. Toutes seront d’énormes succès dont les répliques ciselées et irrésistibles sont lancées avec brio par les plus grands interprètes du moment : Edwige Feuillère, Jacqueline Maillan, Michel Serrault, Michèle Morgan, Jean-Claude Brialy… tandis qu’à la ville comme à la scène, elle forme un couple brillant et caustique avec le père de sa fille, le merveilleux Jean Poiret.

Elle récolte tout autant de lauriers comme parolière, pour Charles Aznavour, Juliette Greco, Claude François, Dalida, (« N’avoue jamais » chanté par Guy Mardel remporte même le prix de l’Eurovision 1965), et en 2000 encore, excusez du peu, pour Céline Dion.

Grand Prix de la SACD en 1984, (qu’elle partage, hasard amusant, avec Samuel Beckett), elle fut également l’une des premières femmes à siéger au conseil d’administration de notre société.

Sous une apparente légèreté, les pièces de Françoise Dorin, bourrées de mots d’auteurs, et maîtrisant à la perfection les ficelles du boulevard, sont empreintes d’une sourde mélancolie, d’une vision du monde et des rapports humains, désabusée et parfois plus grave que leur apparente légèreté ne le laisserait penser…

La SACD s’associe à la peine de sa fille Sylvie Poiret, de son petit-fils Thomas Mitsinkides et à celle de son compagnon Jean Piat, et lui rend l’hommage qu’elle mérite.

Brigitte Buc

 

photo : Françoise Dorin en 2009 - Ji-Elle (https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Françoise_Dorin.jpg), „Françoise Dorin“, size, https://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0/legalcode