Xavier Lardoux : « Les auteurs pourraient bénéficier davantage de l'aide à la conception »
Xavier Lardoux, nouveau directeur du cinéma du CNC, a fait ses premiers pas face aux auteurs sur le stand de la SACD.Les missions
Il en a profité pour rappeler les 2 missions principales de la direction du cinéma :
- Distribuer des aides
Dans ce cadre, la direction du cinéma distribue chaque année environ 350 millions d'euros répartis entre des aides automatiques et des aides sélectives à la production, à la distribution et à l'exploitation, ces dernières étant attribuées par des commissions d'aide. Le CNC a souhaité récemment renforcer la diversité des profils des membres de ces commissions afin d'éviter l'endogamie cinématographique et de les ouvrir à des personnalités issues d'autres univers artistiques. A titre d'exemple, le directeur de l'Opéra-Comique, Jérôme Deschamps, s'est vu confier la présidence de la Commission d'aide au développement. Pour Xavier Lardoux, il est important de poursuivre dans cette voie.
- Penser le futur de la régulation et préparer les évolutions de la réglementation (décrets, lois)
Xavier Lardoux a insisté sur les 3 aides qui bénéficient, directement ou indirectement, aux auteurs, en commençant par l'aide à la conception. Créée en 2011 à l'issue des travaux du Club des 13 et à l'initiative de la SACD, cette aide permet aux auteurs de films de long-métrage sortis en salle l'année précédant la demande, d'obtenir une aide forfaitaire de 10 000 euros pour préparer un futur projet. Plusieurs conditions sont à remplir pour en bénéficier : l'œuvre précédente doit être un film de fiction ; son budget de production doit être inférieur à 4 millions d'euros ; le film ne doit pas avoir eu de chaîne en clair (sauf Arte) pour son financement.
En 2014, 52 auteurs ont pu recevoir cette aide, un nombre que le CNC aimerait voir croître car son enveloppe annuelle, de 800 000 euros n'est pas intégralement consommée. Pascal Rogard a proposé notamment la suppression du critère qui interdit à des films ayant été financés par des chaînes en clair d'ouvrir le droit à l'aide à la conception pour leurs auteurs.
Les auteurs sont aussi éligibles, depuis 2002, à des aides à l'écriture et à la réécriture dont le budget s'élève à 1,5 millions d'euros. Deux collèges ont été mis en place, l'un étant notamment consacré aux premiers longs métrages. Pouvant être sollicitées par les auteurs et les producteurs, ces aides ont été distribuées l'an dernier à 40 projets. Elles sont au maximum de 30 000 euros pour l'aide à l'écriture et de 20 000 euros pour l'aide à la réécriture. Actuellement, le CNC réalise une étude afin de savoir si les producteurs intègrent ou non cette aide dans le calcul de l'à-valoir des auteurs. Si la réponse était positive, Pascal Rogard a indiqué qu'il demanderait l'interdiction de cette pratique, défavorable pour la rémunération des auteurs.
Par ailleurs, 90 sociétés de production ont obtenu l'an dernier une aide au développement qui sert essentiellement aux dépenses dans les travaux d'écriture et dans les achats de droits d'adaptation. D'un budget global de 3,3 millions d'euros, cette aide est majoritairement remboursable. Elle l'est toujours quand le projet aboutit à la réalisation d'un film et ne l'est qu'à hauteur de 25% si le projet échoue.
A la suite des Assises du Cinéma qui se sont tenues l'an dernier, le CNC peaufine un dispositif spécifique qui permettrait à un couple auteur / producteur de films de court-métrage de bénéficier d'un bonus de 100 % non remboursable pour un projet commun de court métrage. Et ce, afin d'encourager la fidélité entre un auteur et son producteur.
Les chantiers
Pour l'avenir, Xavier Lardoux a identifié 2 chantiers importants :
- Poursuivre le travail engagé lors des Assises du Cinéma sur 3 volets : la billetterie en salle, l'avant-séance et les engagements de programmation
Concernant la billetterie en salle, des coûts afférents aux billets ne sont aujourd'hui pas intégrés dans l'assiette de rémunération des ayants droit et des taxes versées au CNC. La question est justement de savoir si ces surcoûts doivent être pris en compte pour calculer les contributions au CNC. Pour y répondre, le CNC a mandaté son inspection générale pour mesurer la réalité de ces surcoûts et appréhender les enjeux qui se profilent. Des résultats rapides sont attendus.
L'avant-séance désigne essentiellement les problèmes posés par la prise en charge du coût des bandes-annonces et des affiches. Les distributeurs ont récemment soulevé que leurs dépenses dans les salles étaient conséquentes car il était important d'y être présents, la salle de cinéma étant très prescriptrice. En revanche, les coûts pour diffuser des bandes-annonces s'élevaient de plus en plus et pesaient désormais trop lourdement sur leurs charges.
Là encore, le CNC a confié à des experts le soin de procéder à une photographie de ce que recouvrait l'avant-séance afin notamment d'identifier la part des bandes-annonces gratuites et celles payantes dans les salles. L'analyse qui pourra être faite permettra alors de savoir, selon Xavier Lardoux, si la France doit réguler ou non l'avant-séance.
Enfin, notre pays s'est doté d'une réglementation, celle dite des engagements de programmation, qui vise à éviter des rotations trop rapides des films en salle afin de leur donner une chance de trouver leur public. Des évolutions ont eu lieu récemment. C'est ainsi qu’un même film ne peut occuper plus de 30% des écrans d'un multiplexe et que ces engagements doivent être respectés non pas sur la semaine mais chaque jour. Des idées existent aujourd'hui ; UGC a en particulier proposé de maintenir 2 semaines à l'affiche les films dans le cadre d'engagements écrits ; d'autres songent à renforcer les pouvoirs de sanction du Médiateur du Cinéma ou à obtenir également des engagements de distributions qui lieraient les exploitants. Bref, la réflexion est en cours.
- Reprendre les travaux autour de la chronologie des médias
La profession s'est beaucoup mobilisée ces derniers mois pour parvenir à un accord précisant l'engagement de Canal+ dans le cinéma. Avec la signature ces derniers jours d'un accord qui entérine d'ailleurs le transfert partiel au CNC de la prise en charge de l'aide à la distribution qu'attribuait jusqu'alors Canal+, les travaux et la concertation engagés l'an dernier sous l'égide du CNC devraient pouvoir reprendre avec pour objectif d'aboutir à la fin de l'année à un dispositif renouvelé pour favoriser l'exploitation des œuvres sans fragiliser le financement du CNC. Un espoir qu’a partagé également Pascal Rogard qui souhaite que le développement du numérique soit aussi une chance pour mieux exposer les films.