Pierre Barillet se livre pour Mots en scène
L'auteur s'est raconté avec malice et force anecdotes le 7 octobre à la Maison des Auteurs de la SACD en compagnie d'Olivier Barrot, en ouverture de la troisième saison de Mots en scène.Le Don d'Adèle, La Reine Blanche, Fleur de Cactus, 40 Carats, Folle Amanda, Peau de Vache, Potiche... autant de grands succès de la comédie à la française sur scène, tous écrits par Pierre Barillet. Guidé par Olivier Barrot, l'auteur est revenu sur cette œuvre conséquente, rendant longuement hommage à son co-auteur de toujours, Jean-Pierre Grédy, ainsi qu'aux comédiennes ayant porté leurs spectacles à bout de bras telles Jacqueline Gauthier et Jacqueline Maillan. Pierre Barillet vient d'ailleurs de publier aux éditions La Tour Verte un ouvrage intitulé Trois fleurs de cactus consacré à trois interprètes de sa pièce, passées (Sophie Desmarets, Lauren Bacall) et présente (Catherine Frot actuellement à l'affiche au Théâtre Antoine, dans une mise en scène de Michel Fau).
En préambule, Olivier Barrot a d'ailleurs tenu à rappeler que la contribution de Pierre Barillet au théâtre français ne se limitait pas à son œuvre jouée sur les planches, mais également à un certain nombre d'ouvrages de réflexion tels Quatre années sans relâche (Éditions de Fallois) sur l'étonnante vitalité créative connue par Paris pendant la seconde guerre mondiale ou encore Les Seigneurs du rire (Fayard), un essai historique sur le théâtre de boulevard.
Le théâtre « plus réel que la vie réelle »
Questionné sur l'élément déclencheur de sa passion pour le théâtre, Pierre Barillet a évoqué ses parents, « pas des fanatiques » mais qui voyaient tout de même 4 à 5 pièces par an. « Ma mère s'habillait pour l'occasion, c'était une fête à laquelle je voulais participer. Ils allaient voir les grands succès bourgeois de l'époque. Ils ramenaient les programmes et c'était pour moi comme la Bible, je les embrassais, les humais... On m'emmenait voir des opérettes au Châtelet ou à Mogador. Je trouvais les décors canadiens de Rose-Marie plus réels que la vie réelle. »
Pierre Barillet a ensuite évoqué son amitié avec de grands noms du théâtre de l'époque, le décorateur Christian Bérard et surtout, Jean Cocteau (« Je lui dois tout ») à qui il faisait lire ses premières pièces et qui lui fit rencontrer des directeurs de grandes salles. Mais le compagnonnage le plus important de sa carrière est évidemment celui qui le lie à Jean-Pierre Grédy. Les deux hommes se croisent à l'université et se découvrent des goûts communs : « Pendant la guerre, nous allions voir des comédies américaines au cinéma, lors de projections clandestines. Notre théâtre s'inspire beaucoup de ces films. »
Détail croustillant, la première pièce qu'ils écrivent ensemble, Le Don d'Adèle, n'est d'abord signée que du seul Barillet. « Grédy avait un peu honte, en fait, s'amuse l'auteur. Il voulait devenir cinéaste. Nous avions écrit Le Don d'Adèle pour nous amuser. Il trouvait cela un peu trop léger. Il a alors prétexté que sa mère se reconnaissait trop dans un des personnages. Quand la pièce a eu du succès et que Louis Aragon et Elsa Triolet y ont vu un manifeste contre la bourgeoisie - à notre grande surprise - , nous avons rétabli son nom. C'était vers la 50e représentation. »
De l'importance d'écrire les comédies en duo
Pierre Barillet a souligné l'importance d'écrire à deux des comédies : « Dans une pièce dramatique, on est sur des rails, on suit son histoire. Dans nos pièces, l'histoire est secondaire. Nous sommes toujours partis des caractères. Dans une comédie, l'important c'est de faire rire et je crois que cela compte d'être deux à l'écriture. Il y a d'ailleurs beaucoup d'auteurs de comédie qui fonctionnent en duo. Avec Grédy, nous avons toujours été les premiers acteurs et les premiers spectateurs de nos pièces. On se disait : "- Oh c'est con, ça. - Oui, c'est con, mais tu as ri, alors on le met." »
Pour conclure la rencontre, Olivier Barrot a insisté pour que Pierre Barillet lise un extrait de sa dernière pièce, La Réponse, publiée en 2013 à L'Oeil du Prince. Un texte dramatique, écrit sans Grédy, forcément plus personnel. Une autre facette du talent de cet auteur qui, à 92 ans, affiche toujours la même envie de théâtre qu’à ses débuts.