Pour une intelligence artificielle au service de la création, des auteurs et respectueuse de leurs droits
La SACD formule 5 propositions pour une intelligence artificielle éthique, responsable et respectueuse des droits des auteurs.Avec plus de 60 000 auteurs et autrices de cinéma, d’audiovisuel, de création interactive, de radio et de spectacle vivant membres, la SACD est résolument engagée dans la défense de la création et de la diversité culturelle. Elle l’est tout particulièrement dans le monde numérique où, à son initiative, des nouvelles dispositions plus protectrices des droits, moral et patrimonial, des auteurs ont été adoptées lors de la transposition des directives sur les services de médias audiovisuels et le droit d’auteur.
Le développement actuel de l’intelligence artificielle touchera tous les pans de nos sociétés, tous les pans de nos activités.
Plus qu’une simple innovation technologique, elle est un bouleversement considérable pour le futur de la création audiovisuelle et cinématographique, pour le travail des créateurs et pour l’utilisation des œuvres.
Le déploiement des nouveaux outils conçus grâce à l’intelligence artificielle intervient aujourd’hui sans règles, sans cadre et génère de légitimes inquiétudes comme l’illustre notamment le mouvement de grève lancé depuis 3 mois par les scénaristes américains.
L’émergence de nouvelles règles juridiques est donc indispensable pour éviter que l’intelligence artificielle ne se substitue demain à la création humaine, n’efface les créateurs et ne remette en cause les droits, moraux et patrimoniaux, des auteurs.
Dans la continuité de son engagement à ce que le monde numérique ne soit pas une zone de non-droit pour les auteurs et contribue à favoriser l’expression de la diversité de la création, la SACD formule 5 propositions pour une intelligence artificielle éthique, responsable et respectueuse des droits des auteurs.
Une obligation générale de transparence dans l’utilisation des œuvres par les intelligences artificielles
L’entrainement des services basés sur l’intelligence artificielle à partir d’œuvres audiovisuelles et cinématographiques existantes ne peut continuer à se faire dans l’ignorance des auteurs de ces œuvres et sans leur consentement. L’exception prévue dans la directive européenne sur le droit d’auteur sur la fouille des données ne peut en aucune manière s’appliquer à ces nouvelles pratiques et à de telles exploitations d’œuvres, inenvisagées lors de son élaboration.
C’est pourquoi la mise en œuvre d’une obligation d’information sur les œuvres ayant été exploitées dans le cadre du développement d’un outil d’intelligence artificielle doit être imposée aux entreprises assumant la responsabilité de ces services numériques.
L’identification des œuvres assistées ou créées par une intelligence artificielle
De la même manière que la transparence doit s’imposer dans l’utilisation des œuvres, il est indispensable de pouvoir avoir accès à une base d’information permettant de connaître les œuvres créées par une intelligence artificielle. Pour celles qui ont seulement été créées avec l’appui d’une intelligence artificielle, le niveau d’intervention de celle-ci doit être précisé.
C’est une exigence forte pour protéger les auteurs et autrices dont les créations doivent être les seules à pouvoir bénéficier de la protection du droit d’auteur. C’est aussi un principe de transparence nécessaire et d’honnêteté à l’égard du public.
La reconnaissance d’un opt-out effectif pour les auteurs
Tous les moteurs d’intelligence artificielle doivent offrir la possibilité effective aux titulaires de droit de pouvoir interdire l’accès à leurs œuvres selon des procédés simples et accessibles à tous.
La garantie du respect du droit d’auteur, tant le droit moral que patrimonial
Afin de défendre les droits des auteurs, la SACD publiera prochainement une nouvelle version de ses conditions générales d’autorisation des diffuseurs audiovisuels et de son contrat-type librement utilisable par les auteurs pour la cession des œuvres audiovisuelles et cinématographiques à un producteur, et qui intégrera une clause par laquelle un auteur pourra s’opposer à l’exploitation de son œuvre par une intelligence artificielle.
Elle se réserve aussi le droit d’examiner tout recours juridique qui serait utile à l’encontre de services exploitant les œuvres des auteurs membres de la SACD sans qu’ils en aient l’autorisation.
Il n’y a d’ailleurs aucune raison qu’une œuvre licitement exploitée par un opérateur d’intelligence artificielle ne génère pas des droits d’auteurs au profit des femmes et des hommes qui en sont les auteurs.
L’exploitation de ces œuvres, autorisée par les auteurs, doit impérativement s’inscrire dans le cadre d’un modèle économique basé sur l’octroi d’une licence d’autorisation des œuvres par un organisme de gestion collective, en contrepartie d’un pourcentage des recettes générées par les opérateurs d’intelligence artificielle.
Par sa capacité à gérer des informations multiples et complexes et à assurer une juste répartition entre les auteurs, la gestion collective offre en effet le meilleur outil pour permettre le développement des modèles d’intelligence artificielle dans un cadre respectueux des droits des auteurs et en leur assurant le versement de leur juste droit à rémunération conformément aux dispositions légales.
La nécessité d’une régulation de l’utilisation des œuvres par les IA
L’Union européenne a su mettre en place un modèle de supervision et de contrôle du respect des données personnelles efficace et capable de sanctionner les services qui utiliseraient abusivement les données personnelles des citoyens européens.
La même démarche doit prévaloir pour le déploiement des services liées à l’intelligence artificielle : un organisme de régulation devrait pouvoir enregistrer et contrôler les déclarations des activités des fournisseurs de ces services, en particulier concernant l’exploitation d’œuvres protégées par le droit d’auteur, et disposer de pouvoirs d’investigations étendus et de sanctions effectives. Avec le renforcement récent de ses compétences pour veiller au respect de la propriété intellectuelle, l’ARCOM serait légitime à assurer cette mission de régulation, avec des moyens accrus.
La politique de régulation de l’IA devra se mettre en place au niveau européen mais aussi en France. D’ores et déjà, l’Union européenne a posé les jalons d’une régulation effective à travers les travaux en cours au Parlement européen, en avançant positivement sur les obligations de transparence. C’est un premier pas qui devra être complété, renforcé et enrichi lors de la prochaine législature issue des élections européennes de 2024. La SACD attend des partis politiques français des engagements clairs et protecteurs de la création et des auteurs à l’occasion de la campagne électorale.
Sans attendre, les pouvoirs publics en France, en particulier le ministère de la Culture et le CNC, doivent agir et prendre des initiatives, en association, le cas échéant avec l’INRIA et des centres de recherche en droit des technologies et d’éthique du numérique. Il est urgent d’évaluer à court et moyen terme les conséquences de l’intelligence artificielle sur la création française et de définir les contours d’une réaction rapide et adaptée de nature à préserver sa diversité, le travail des auteurs et autrices et la pérennité de leurs droits. De son côté, la SACD est disponible pour accompagner et prendre toute sa part à l’élaboration de ce nouveau cadre à l’ère de l’intelligence artificielle.
Contact presse SACD
Martin Dawance – 📞 06 85 12 29 59 - ✉ martin.dawance@sacd.fr