Réforme de l'audiovisuel public : et la création ?
À l’occasion de la présentation de son projet de réforme de l’audiovisuel public, le gouvernement a confirmé un rétrécissement de l’accès au service public pour tous avec la disparition de France 4 et de France Ô au second semestre 2020.Alors que Franck Riester, ministre de la Culture, avait annoncé à La Rochelle le 13 septembre de nouvelles garanties positives renforçant les droits des auteurs et les replaçant au cœur de la réforme audiovisuelle, les réponses apportées aujourd’hui par le gouvernement sur l’avenir du service public ne sont pas rassurantes pour les créateurs.
Après la baisse de la redevance audiovisuelle d’1 € annoncée par le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, la confirmation de la fermeture de France 4 avant la fin du 2020 est le signe d’un entêtement incompréhensible face à une décision prise sans concertation ni étude d’impact. C’est aussi prendre le risque de nuire au financement et à la visibilité de la création française d’animation, souvent saluée à juste titre comme un secteur d’excellence. D’ailleurs, aucun service public européen, ni aucune chaîne privée en France comme à l’étranger, n’a fait ce choix : tous prévoient d’adosser le développement de leur offre en ligne à destination de la jeunesse à une diffusion puissante sur une chaîne.
Dans le même temps, la promesse faite par le gouvernement en juin 2018 de compenser sur les chaînes linéaires du groupe la disparition des offres jeunesse sur France 4 n’est aujourd’hui pas tenue.
Les prévisions faites par France Télévisions montrent que la programmation de l’animation sur le service public passerait de 5978 heures en 2018 à 2800 heures en 2021, soit une baisse de 55 % de l’offre pour les enfants. Actuellement, France 4 représente plus de 60 % de l’offre d’œuvres d’animation d’expression originale française sur le service public mais également 1/3 de l’offre de cinéma.
Le ministre de la Culture a annoncé ce matin que les mesures de libéralisation de la publicité et de la diffusion des films pour les chaînes de télévision, qui devraient pourtant faire l’objet d’une concertation et d’une analyse des conséquences, en particulier pour le cinéma, seraient prises par décret dès le 1er janvier 2020. La SACD demande la même célérité pour sécuriser l’accès des Français à une offre hertzienne équivalente pour les programmes jeunesse, d’animation et le cinéma sur les autres chaînes du service public.
Les auteurs ne comprendraient pas qu’en parallèle de la publication de ces décrets sur la publicité, le cahier des charges de France Télévisions n’évolue pas pour tenir cet engagement. La garantie du maintien d’une offre ambitieuse de cinéma et de programmes pour les jeunes est une exigence pour tous ceux qui sont attachés au bien public, à un service public digne de ce nom et accessible à tous.
Au-delà de l’impact pour l’animation et le cinéma, le gouvernement prend en effet le risque de mettre un coup de canif dans un principe essentiel, auquel les manifestations des derniers mois ont rappelé l’attachement des Français : l’égalité d’accès à des services publics de qualité, où que l’on soit sur le territoire.
Alors que la couverture totale du territoire national en haut-débit et très haut-débit ne peut être malheureusement assurée avant 2022, il y a une mise en danger de l’accès gratuit et universel de tous nos concitoyens, et notamment des plus jeunes, au service public de l’audiovisuel.
L’interruption du signal de France 4 en septembre 2020 privera beaucoup d’enfants français, en partie sur ces territoires où l’accès en haut et très haut débit n’est pas encore garanti, de l’offre jeunesse du service public. Il en privera également les enfants des foyers très modestes qui n’ont pas les moyens d’être abonnés chaque mois à une offre d’accès à Internet de 20, 30 ou 40 € et a fortiori d’avoir accès à l’équipement numérique adéquat.
Il n’est pas encore trop tard pour changer la donne, dans un pays où la TNT reste l’unique mode de réception pour 22 % de sa population. Dans le cas contraire, la SACD met en garde contre un big-bang annoncé de l’audiovisuel public qui pourrait se transformer en black-out pour une partie de la population.
Le maintien de la diffusion de France 4 ou la prise rapide d’un décret garantissant un transfert des programmes jeunesse et cinéma de France 4 sur les autres chaînes du service public sont absolument nécessaires. À défaut, l’ampleur du rétrécissement du service public sera sans égale et sera la seule trace laissée par cette réforme du service public.