Rencontre sur la place des femmes : aller plus loin en faveur de l’égalité et de la diversité
Pour son dernier rendez-vous cannois, la SACD organisait une rencontre autour de la place des femmes dans le cinéma.Participaient à cette rencontre Sandrine Brauer, productrice et co fondatrice du collectif 50/50, Xavier Lardoux, directeur du CNC, et Francine Raveney, consultante et responsable des relations publiques de European Women’s Audiovisual Network.
Pour faire une photographie de la situation actuelle, Xavier Lardoux a repris quelques chiffres de la dernière étude du CNC sur l’égalité femmes-hommes dans le cinéma. L’an dernier, sur 235 films agréés, 24% étaient réalisés par des femmes. Si ce chiffre est stable, il est aussi insatisfaisant. D’autant plus que d’autres chiffres illustrent aussi des inégalités persistantes. Ainsi, le devis moyen des films réalisés par des femmes est inférieur de 37% à celui des films réalisés par des hommes. Quant à l’étude conjointe SACD-CNC sur le financement de l’écriture rendue publique en avril dernier, elle a mis en avant que le minimum garanti moyen d’une scénariste était inférieur de 30% à celui de son collègue masculin.
Pour tenter de renforcer la place des femmes, le CNC a adopté une mesure de bonification : depuis le début d’année, les films qui intègrent autant de femmes que d’hommes dans les postes d’encadrement (réalisation, direction de production, direction photo...) peuvent bénéficier d’un bonus de 15% du soutien accordé au film pour le CNC.
Depuis janvier 2019, sur 42 films soumis à l’agrément, 11 ont obtenu ce bonus, soit 25% des films agréés. Xavier Lardoux espère qu’il s’agit là d’une tendance positive qui se confirmera dans les mois à venir.
Réduire les écarts de rémunération
Cette mesure de bonification a été quasiment co-produite avec le collectif 50/50, porté notamment par Sandrine Brauer et qui est né dans l’après-Weinstein autour d’une volonté simple : fabriquer de la politique ensemble pour changer la donne en matière d’égalité. La première urgence a été de produire des données chiffrées pour savoir où agir. Rapidement, l’idée d’organiser des Assises de la parité a emergé. Elles ont abouti à des mesures concertées avec le CNC dont cette disposition de bonification du soutien dont le collectif 50/50 attend beaucoup. C’est selon eux une mesure extrêmement incitative qui force chacun à se poser la question de ses propres pratiques. Elle pourrait aussi favoriser activement l’embauche de femmes et contribuer à densifier des carrières.
Pour prolonger cette action, le Collectif 50/50 réfléchit également à la manière de renforcer l’exposition des films dans lesquelles les femmes sont impliquées, de participer à la sauvegarde du patrimoine, d’être moteur dans l’éducation à l’image, de lutter contre la disparité des salaires mais aussi d’avancer sur le terrain de la diversité. Plus que le terme diversité, Sandrine Brauer préfère parler d’inclusion.
S’il est juridiquement impossible de réaliser des statistiques ethniques, cela ne signifie pas qu’il n’y a aucun moyen d’action : « Il est nécessaire d’être à la fois pragmatique et court termiste pour continuer à avancer. »
C’est aussi la volonté du CNC de maintenir les efforts. Au-delà de la mesure de bonification, le CNC avait déjà adopté d’autres mesures allant dans le sens de la parité. Suivant une loi de 2018, les commissions d’aides du CNC sont paritaires, même si Xavier Lardoux estime qu’il faudra encore progresser sur les présidences de ces commissions.
Le souhait du CNC est aussi d’agir pour réduire les écarts de rémunération. Dès juillet 2019, les producteurs devront, lors de la demande d’agrément des films, genrer la masse salariale de leurs films.
Rendre la production et le cinéma plus représentatifs de la diversité de la société est aussi un enjeu clé pour le CNC, qui a développé un fonds Images de la diversité qui participe de cette démarche. Xavier Lardoux a aussi beaucoup insisté sur le rôle important que peuvent jouer les écoles. Si la parité existe chez les étudiants, il estime indispensable de la renforcer chez les enseignants afin que le pouvoir d’identification puisse ouvrir aussi de nouvelles perspectives. Une étude est en cours de préparation au CNC sur l’évolution des carrières pour mieux mesurer les réalités et avoir un outil opérationnel pour cibler les mesures à prendre.
Besoin de données et d'outils d'analyse
Présente au niveau européen, Francine Raveney, qui a lancé le réseau European Women’s Audiovisual, a aussi débuté son action en 2012 pour réagir à l’absence d’informations paneuropéennes sur la place des femmes. Cet engagement s’est concrétisé par des études, notamment sur les femmes réalisatrices. Sa démarche s’est aussi inscrite au sein d’Eurimages où elle a travaillé à la rédaction d’une recommandation du Conseil de l’Europe en faveur de l’égalité femmes-hommes, riche de grands principes à décliner et opérationnel grâce aux indicateurs de performance listés.
Au sein du fonds Eurimages, un groupe de travail sur l’égalité a été créé. S’il n’existe pas de mesures contraignantes concernant la validation ou non des projets aidés en fonction de critères lié à l égalité, la volonté d’Eurimages est clairement d’être un acteur de la sensibilisation à cet enjeu. Des prix Audentia Awards sont aussi attribués afin d’apporter un appui particulier à la carrière de femmes en Europe.
Interrogée sur les exemples européens à suivre, elle a notamment cité l’Espagne pour son action en faveur de la convergence des rémunérations, la Suède et l’Autriche.
Pour elle, désormais, la priorité devrait aller à l’harmonisation de collecte des données au niveau européen pour avoir des outils d’analyse plus homogènes.
Ce dernier débat s’est finalement conclu sur un avis partagé par tous : le combat continue !