Ara Aprikian : "La valeur des films sur les chaînes privées naît de leur rareté"
Pour sa dernière rencontre à Cannes, la SACD recevait Ara Aprikian, directeur général adjoint en charge des Contenus de TF1.Pour TF1, « le cinéma est dans l’ADN de la chaîne ». D’ailleurs, elle continue d’investir chaque année entre 35 et 40 millions d’euros pour financer entre 15 et 20 films. Sa ligne éditoriale est d’avoir accès à des films familiaux, grands publics mais aussi de faire un certain nombre de paris. Le film Le Grand bain de Gilles Lellouche présenté cette année à Cannes en est une bonne illustration. Les logiques d’investissement de TF1 répondent aussi à la volonté de se concentrer sur des projets avec une valeur de rediffusion forte.
Pour Ara Aprikian, TF1 joue un rôle de prescripteur grâce à cette case de diffusion du dimanche soir consacré au cinéma et qui fédère des publics et audiences importants. Parfois, TF1propose même deux cases consécutives de cinéma le dimanche soir.
Dans ce nouveau paysage audiovisuel numérique, il considère que la force de TF1 sera de pouvoir proposer au public des programmes qui iront à l’encontre de ses goûts naturels. Pouvoir proposer des offres de nature différente comme la série Les Bracelets Rouges ou Les Tuche sera un élément de différenciation face au monde de la vidéo à la demande par abonnement dominé par les algorithmes.
Se différencier des plateformes mais aussi collaborer avec les plateformes : c’est le souhait d’Ara Aprikian, et notamment de pouvoir préfinancer des œuvres et des mini-séries qui ont un coût de production élevé et qui ont du mal à être financées et amorties par la rediffusion.
Pérenniser le financement du cinéma
Au-delà des coopérations à construire, qui pourraient aussi déboucher sur des initiatives communes entre chaînes de télévision françaises, publiques comme privées, TF1 espère une nouvelle régulation audiovisuelle basée sur un principe : aboutir à un meilleur partage de la valeur pour permettre aux chaînes nationales de pouvoir maintenir leurs investissements dans la création nationale. La première modification souhaitée a trait à la publicité, non pas « dans une optique d’inondation de la télévision par la publicité » mais pour mieux monétiser et amortir les films dans lesquels TF1 investit. Cela pourrait passer par une 3e coupure publicitaire des œuvres, sans préciser la durée des films qui pourraient être coupés, mais également par la levée de l'interdiction de faire de la publicité pour des films de cinéma à la télévision.
L’avenir de la chronologie des médias intéresse également TF1, même si ce n’est pas le débat principal. Pour Ara Aprikian, l’enjeu essentiel est celui de la pérennisation du financement du cinéma.
La spécificité de la télévision en clair doit y être reconnue. À la différence des chaînes payantes et de la vidéo à la demande par abonnement, les chaînes gratuites doivent être en mesure de pouvoir organiser des périodes de repos pour les films afin de les faire vivre sur le long terme. Pour TF1, « la valeur de la télévision gratuite ne repose pas sur la récence ou la fraîcheur d’un film mais sur sa rareté ».
Aussi, il considère que la chronologie des médias est un outil important qui crée à la fois une contrainte et une frustration nécessaires en terme de consommation. Le systeme est en soi vertueux dès lors qu’il permet la mise en place de fenêtres de diffusion étanches, elles-mêmes à la base de la maximisation du financement des films.