Le double renoncement de la réforme de la chronologie des médias
La SACD réagit aux propositions formulées aujourd’hui par Dominique D’Hinnin et Francois Hurard pour réformer la chronologie des médias.La SACD a pris connaissance des propositions formulées aujourd’hui par Dominique D’Hinnin et Francois Hurard pour réformer la chronologie des médias.
Malgré quelques avancées liées notamment au dégel des droits permettant l’exploitation continue des œuvres en vidéo à la demande à l’acte et au raccourcissement général des fenêtres de la chronologie, le compte n’y est pas.
La SACD regrette notamment que la nouvelle chronologie des médias se signale par un double-renoncement : le renoncement à faire entrer le financement et la diffusion du cinéma dans l’ère numérique en s’asseyant au passage sur le principe de neutralité technologique ; le renoncement à garantir le respect du droit d’auteur par les opérateurs payants.
Alors que l’un des enjeux de la réforme de la chronologie des médias est d’intégrer les acteurs du numérique et de l’Internet dans la politique de soutien à la création pour préparer l’avenir du financement des films, la proposition mise sur la table s’en écarte beaucoup.
La nouvelle chronologie graverait ainsi dans le marbre une inégalité de traitement pour les plateformes numériques par abonnement qui, à obligations d’investissement dans la création similaires et identiques avec les télévisions payantes, se verraient soumises à un régime de diffusion très défavorable : Canal+ pourrait diffuser une œuvre 7 mois après sa sortie en salles, alors qu’une plateforme numérique, quels que soient ses engagements dans la création, ne pourrait pas l’exploiter moins de 15 mois après cette sortie en salles.
Cette distorsion créerait à l’évidence un cadre négatif pour l’arrivée de nouveaux financeurs et de diffuseurs dans le cinéma.
Elle poserait également un problème de cohérence et de concurrence : cohérence car il est singulier de demander, à juste titre, la fin de la concurrence déloyale entre opérateurs numériques et chaînes de télévision et de prévoir, à obligations égales, des régimes de diffusion différents et moins favorables pour les acteurs du numérique ; un problème de concurrence car cette différence de traitement a tous les atours d’une barrière mise à l’entrée pour les nouveaux opérateurs.
Plus grave encore, dans le scénario cible soumis à l’ensemble des professionnels concernés voici quelques semaines, les médiateurs souhaitaient soumettre l’avancée des fenêtres pour les offres payantes de cinéma à des conditions de vertu parmi lesquelles le respect de la législation française en matière de propriété intellectuelle.
Cette condition juridique a été maintenue pour les plateformes numériques par abonnement qui, elles, signent des accords et respectent aujourd’hui leurs engagements en matière de rémunération des auteurs. En revanche, elle a étrangement disparu des conditions posées pour faire avancer la fenêtre des chaînes de télévision premium à 7 mois et notamment pour Canal+ qui, comme la SACD l’a rappelé ces derniers jours devant le CSA, exploite sur la majeure partie de ses services de télévisions des œuvres de cinéma, de fiction et d’animation sans avoir l’autorisation des auteurs.
Il y aurait un scandale à valider une telle chronologie qui, s’éloignant de la vertu, rendrait un hommage troublant au vice et serait une prime aux passagers clandestins du droit d’auteur, fussent-ils des acteurs historiques.
Après des années de concertations stériles et de conservatismes exacerbés, le cinéma doit être capable de se doter enfin d’un encadrement moderne qui passerait par 4 principes :
- Assurer le meilleur financement des œuvres en protégeant ceux qui les financent
- Créer une incitation pour les nouveaux opérateurs numériques à investir dans le cinéma
- Respecter le principe de neutralité technologique pour qu’à obligations égales, les plateformes numériques soient traitées de façon équivalente et non discriminatoire
- Soumettre les opérateurs payants bénéficiant de l’avancée des fenêtres au respect de la législation française en matière de droit d’auteur
Ce sont le sens des observations que la SACD formulera auprès des médiateurs pour dessiner une chronologie assouplie, modernisée et adaptée à la nouvelle donne numérique.