Patrick Haudecoeur, l'homme de troupe
L'auteur de Thé à la menthe ou t'es citron ? était l'invité d'Olivier Barrot pour Mots en scène à la SACD au printemps.
Le succès, Patrick Haudecoeur connaît. Parmi ses spectacles les plus emblématiques, celui qu'Olivier Barrot qualifie de "classique du théâtre français" : Thé à la menthe ou t'es citron ? La pièce a plus de 30 ans et continue de remplir les salles. En 1984, alors comédien amateur, Patrick Haudecoeur cherche un texte pour jouer à 12 personnages. Faute d'en trouver de satisfaisants, il se lance le défi d'en écrire un pendant l'été avec son ex-épouse Danielle Navarro-Haudecoeur. Il s'agit d'une mise en abyme de ce qu'il vit alors avec ses camarades de troupe : la pièce se compose de la répétition d'un spectacle puis de sa première représentation publique, catastrophique.
Thé à la menthe... connaît tout de suite un immense succès sur la scène amateur. Le spectacle tourne dans tous les festivals et puis... le soufflé retombe. Plusieurs années passeront avant que l'auteur et son ami comédien Jean-Pierre Lazzerini finissent par convaincre une salle parisienne de leur donner une chance. "Jean-Pierre était marchand de tapis. Il a appliqué la même méthode pour vendre le spectacle : nous avons remonté tout le bottin en appelant les salles jusqu'à ce qu'au C, nous recevions une réponse positive du Café de la Gare." Patrick Haudecoeur loue la salle pour un soir et Philippe Manesse qui dirige alors le théâtre assiste un peu par hasard à la représentation. Mis à l'affiche, Thé à la menthe... sera au tout début des années 90 joué plus de 200 fois dans cette salle, puis au Théâtre des Variétés. La nouvelle mise en scène qu'en donne Patrick Haudecoeur au Théâtre Fontaine à partir de 2011 lui vaut le Molière du meilleur spectacle comique. Un triomphe qui ne se dément pas.
Homme de troupe
Et pourtant s'interroge Olivier Barrot, le texte de Thé à la menthe... demeure introuvable en librairie. De même que celui des autres grands succès de l'auteur : Frou-Frou les Bains (Molière du meilleur spectacle musical en 2002), La Valse des pingouins (nommé au Molière du meilleur spectacle musicale en 2007, Molière de la révélation féminine pour Sara Giraudeau)... Un mystère. "Vous savez, je suis très honoré d'être ici, mais j'ai du mal à me considérer comme un auteur, détaille Patrick Haudecoeur pour expliquer la modeste énergie qu'il a consacré jusqu'ici à se faire éditer. Je me suis toujours considéré comme un faiseur, un homme de troupe, je suis davantage du côté de Robert Dhéry." Et c'est vrai que comme le fondateur des Branquignols, Patrick Haudecoeur ne se contente pas d'écrire ses spectacles mais en assure parfois aussi la mise en scène en plus de jouer dedans. "Quand on joue le soir sur scène, on n'a pas forcément envie de passer ses après-midi à démarcher des éditeurs. Et puis, je m'en serai voulu de figer trop tôt sur papier mes spectacles, qui vivent longtemps après les premières représentations, s'enrichissent constamment de bons mots..."
Au contact de son dernier partenaire d'écriture sur Silence on tourne !, Gérald Sibleyras ("lui c'est un vrai auteur !"), Haudecoeur confesse néanmoins qu'il pourrait se laisser convaincre de tenter l'édition. Puisque, reconnaît-il, aussi visuels soient-ils, ses spectacles sont effectivement écrits : "Ça passe nécessairement par le papier à un moment ; les comédiens sont indispensables mais il faut d'abord retraduire du quotidien dans le texte." Comme le souligne Olivier Barrot, qui a pu consulter, archivées à la bibliothèque de la SACD, plusieurs de ses pièces, l'auteur se montre très précis, notamment dans les didascalies et les indications scéniques. Le burlesque de Patrick Haudecoeur réclame une ingénierie précise dans le décor, à l'image de cet immense escalier à chausse-trappes qui sert de décor à Silence, on tourne ! "Les didascalies sont vraiment là pour aider : j'ai vu mes pièces, montées par d'autres, louper leur effet faute d'être dans le bon rythme."
En musique
Le rythme, la musicalité importent énormément à Patrick Haudecoeur qui n'a jamais caché son amour pour l'opérette. "Il n'y en a plus aujourd'hui, regrette-t-il. L'opérette meurt et c'est dommage. Le livret souvent a vieilli et mériterait d'être remanié, mais les chansons sont belles." La Valse des pingouins est son hommage à ce genre, qu'il a lui-même pratiqué comme interprète dans L'Auberge du Cheval-Blanc ou dans Là-haut ! De ces expériences, il ramena d'innombrables anecdotes. Et La Valse fut aussi pour lui l'occasion de jouer une fois de plus, après le théâtre dans le théâtre de Thé à la menthe... avec une convention scénique, les numéros chantés. Rebelotte avec sa dernière pièce, Silence, on tourne ! qu'il joue en ce moment au Théâtre Fontaine. Le public y est cette fois convié à assister à un tournage de film. Le spectacle était nommé au Molière 2017 de la meilleure comédie. Un autre futur classique ?