Antoine Rault : l'Histoire, faits, sentiments et passions
Le dramaturge et romancier était l'invité de la SACD le 2 février pour un nouveau numéro de Mots en scène. En compagnie du journaliste Olivier Barrot, Antoine Rault a évoqué son théâtre et la place qu'y tiennent Grande Histoire et intime. A revoir en intégralité en vidéo.
Etonnant parcours que celui d'Antoine Rault, émaillé comme il le dit lui-même d'une longue "traversée du désert" de 15 ans entre sa première pièce, La Première Tête, jouée en 1989 quand il n'avait que 23 ans et sa deuxième, celle du triomphe, Le Caïman. Une période vierge de nouveau spectacle mais durant laquelle il continua malgré tout d'écrire en menant une carrière de salarié.
Passion pour l'Histoire
Antoine Rault a écrit Le Caïman en 1992 mais la pièce ne s'est montée au Théâtre Montparnasse qu'en 2005, "l'année de ma naissance professionnelle" estime l'auteur. Ce sera le début de sa fructueuse relation avec Claude Rich qu'il convainc avec l'aide de Myriam de Colombi d'endosser le rôle de Louis Althusser, philosophe qui tua son épouse en 1980. De sa relation avec le comédien, il affirme qu'elle est presque filiale. "Claude Rich est un homme qui travaille infiniment, ne cesse de chercher, ce qui parfois peut être difficile pour un auteur. Il change constamment des virgules, des mots. Il faut être très souple."
"A partir du Caïman, ma vie change. Je comprends que je ne veux plus faire que du théâtre et abandonne toute autre activité." La suite, ce sera encore des pièces avec Claude Rich et souvent des pièces historiques : après la Révolution dans La Première Tête, il situe sous la Régence Le Diable rouge (2008) puis Le Système (2015). Dans cette dernière, il s'intéresse à John Law, considéré comme l'inventeur de la finance, pour mieux analyser la dernière grande crise économique que nous venons de vivre. Toutefois explique-t-il, dans l'Histoire, ce sont les personnalités qui l'intéressent.
Une histoire de passions
Et c'est vrai que le dramaturge s'intéresse autant aux faits qu'aux sentiments et passions de ses personnages. Dans Le Démon d'Hannah (2009), il donne sa vision de la rencontre qui eut lieu après la seconde guerre mondiale entre Hannah Arendt, grande penseuse et pourfendeuse des totalitarismes, et Martin Heidegger, philosophe qui embrassa, lui, le nazisme. Tous deux entretinrent avant-guerre une relation de maître à élève et furent amants. Malgré le fait qu'Heidegger refusa toujours de s'excuser de son engagement, Arendt prit à la Libération sa défense et favorisa sa réhabilitation. "Voilà une collusion entre l'intime et le politique que je trouve fascinante" dit Antoine Rault.
Egalement romancier, l'auteur met actuellement la dernière main à une suite donnée à La Danse des vivants, une épopée entre Allemagne, Russie et Autriche qui continue de mêler intime et Grande Histoire dans l'après-Première guerre mondiale. On ne se refait pas, même après s'être réinventé totalement en cours de carrière comme Antoine Rault a su le faire.