Caroline Got : « Nous avons renoué un lien extrêmement fort avec le public »
L’équipe de France TV est venue échanger avec les auteurs de la SACD, mercredi 13 avril. Auréolé de ses succès d’audience, le groupe veut encore diversifier ses propositions et expérimenter de nouvelles choses. Les auteurs ont, quant à eux, demandé plus de transparence dans les sommes allouées au développement et un dialogue plus direct avec les chaînes.
« Le record d’audience a-t-il été battu ? » demande Pascal Rogard en regardant l’assistance. Les rencontres avec les chaînes font toujours salle comble, et celle consacrée à France TV ne fait pas exception. A la tribune : Caroline Got, directrice générale déléguée de la stratégie et des programmes de France Télévisions, Vincent Meslet, directeur exécutif de France 2 et Dana Hastier, directrice exécutive de France 3. Dans la salle également : Thierry Sorel, directeur de la fiction de France 2, Anne Holmes, directrice de la fiction de France 3 et Stéphanie Martin, secrétaire générale adjointe.
Caroline Got a démarré la rencontre en donnant des éléments sur l’ensemble du groupe. France TV est le premier investisseur dans la fiction française avec plus de 50% du total du montant déclaré au CSA. La fiction représente au sein de FTV plus de 60% des investissements de création, maintenus à 400 millions d’euros par la présidente Delphine Ernotte. En 2015, FTV a ainsi investi 252,5 M€ dans la fiction. En 2015, les fictions que FTV a contribué à financer ont représenté un volume horaire de diffusion de 2 203 heures. Le groupe public, actuellement en pleine négociation du contrat d’objectifs et de moyens (COM) pour 2016-2020, espère obtenir des financements supplémentaires pour augmenter ce chiffre d’une centaine d’heures.
La fiction occupe chaque semaine six premières parties de soirée : mercredi et vendredi sur France 2, mardi et samedi sur France 3, lundi sur France 5 et jeudi sur France O. En 2015/2016, le nombre de soirées inédites est - à fin février 2016 - de 43 sur France 2 et de 39 sur France 3.
France TV propose une diversité de formats avec outre les 52 et les 90’, un feuilleton de 26’ sur France 3 (Plus belle la vie) et des formats courts sur France 2 (3’30) ou Studio 4, la plateforme de web-séries de France TV.
Si le polar occupe 50% des cases, l’éventail est, selon Caroline Got, le plus large possible avec des adaptations littéraires, de l’enquête judiciaire, du drame, des fictions en costumes. « Cela nous distingue des chaînes privées, exclusivement positionnées sur les comédies et le policier », précise-t-elle.
Grande satisfaction en termes d’audience
La directrice de la stratégie et des programmes a souligné les très bonnes audiences réalisées par la fiction française depuis 18 mois. « Nous avons renoué un lien extrêmement fort avec le public ». La part de marché moyenne pour la saison 2015-2016 (septembre 2015 – fin février 2016) est de 17,6% sur France 2 et de 14,4% sur France 3, à la fois au dessus de la moyenne de la chaîne et de la moyenne de la fiction étrangère. France 2 a été 20 fois leader cette saison avec la fiction française. Quant à France 3, elle réalise sa meilleure saison depuis 9 ans.
En fiction, la consommation délinéarisée représente environ 7 à 10% de l’audience et peut atteindre 15%. « La fiction est un genre qui fonctionne bien sur les nouveaux usages et permet de rajeunir un peu le profil des téléspectateurs. »
A l’avenir France TV entend diversifier encore les propositions et conquérir de nouveaux publics sur de nouveaux horaires. Deux appels à projet ont été lancés pour France 2 : une mini-série (6 à 8 x 52’) pour la deuxième partie de soirée et une série d’access le dimanche, de 12 x 52’ ou 24 x 26’. Le groupe a aussi lancé des coproductions internationales et France 4 proposera de la fiction originale dès la rentrée prochaine.
France TV souhaite aussi intensifier ses efforts sur la partie numérique, qui selon Caroline Got « permet d’être extrêmement imaginatif ou de faire des propositions plus ciblées ». Enfin, sur Pluzz, le groupe travaille à une meilleure ergonomie de son site. « On rentrera moins par chaîne, et plus avec une logique consommateurs ».
France 3 : moderniser et féminiser les séries
Pour Dana Hastier, « la fiction doit raisonner avec le reste et vice versa. France 3 est la chaîne des régions et de la culture populaire, ce qui signifie qu’on est là aussi pour laisser une trace».
La directrice de France 3 a souligné l’importance de la fiction pour la chaîne, tant en termes d’investissements (137.5 M€ sur 192.5M€ consacrés à la création en 2015 et un peu plus de 340 M€ de budget) que d’audience. « Merci à ce que vous faites sous la direction d’Anne (Holmes, ndlr) » a-t-elle déclaré à l’adresse des auteurs.
A son arrivée il y a 2 ans, Dana Hastier dit avoir d’abord travaillé sur les mardis, une case qui est à la fois société, histoire, adaptations littéraires et famille. Elle a développé une politique d’unitaires « sur des faits divers qui laissent des traces, méritent de faire débat et créent un écrin pour la fiction, comme Diabolique ou Les Filles du Plessis ». L’objectif est de produire 6 films par an. En projet : l’adaptation d’Aux Animaux la guerre de Nicolas Mathieu publié chez Actes Sud et proposé par Alain Tasma.
Dana Hastier a aussi évoqué l’arrêt de certaines séries comme Famille d’accueil ou Le Commissaire Laviolette, soulignant que la chaîne souhaitait « moderniser et féminiser les séries », et avait ainsi « privilégié les séries où les femmes ont un rôle agissant comme Cassandre ou La Stagiaire ».
France 2 : deux nouvelles cases
Vincent Meslet a souligné la bonne santé de France 2 dans tous les genres, et notamment en fiction avec de vrais succès d’audience et des taux de satisfaction importants « tant sur les séries industrielles destinées à faire du volume comme Candice Renoir ou Chérif que sur celles plus innovantes comme Les témoins, Chef ou 10% ». Selon le directeur de France 2, même sur des programmes relativement audacieux, le public plutôt âgé de la chaîne est là, signe que « le public est en train de changer ». Le succès des séries a aussi entraîné le renouveau des unitaires, programmés dans le cadre de soirées verticales, et cette politique va se poursuivre au rythme de 12 films par an.
Comme sur France 3, la fiction s’inscrit dans l’identité de la chaine, et la caractéristique de France 2 est selon Vincent Meslet de proposer l’ensemble du spectre télévisuel. « On veut jouer de cette diversité, et on ira de plus en plus vers des soirées verticales où on pourra mélanger les genres. Une des missions de France 2 est sans doute de raconter la société en mêlant tous les modes de création audiovisuelle ».
Vincent Meslet a fait le bilan de la saisonnalité de février. Sur 98 projets reçus, 7 vont être lancés, ce qui est bien au dessus des précédentes saisonnalités de 2015 (1 sur 40 en février, 1 sur 34 en mai, 1 sur 66 en octobre). France 2 a privilégié des séries à « prise de risque » : deux sont en costumes (17e siècle et années folles), et plusieurs autres prennent place « dans des milieux sociaux différents ». Vincent Meslet a déploré quelques manques dans les projets reçus : des comédies familiales, des séries politiques et des séries de société « qui abordent la diversité de manière décomplexée, notamment sous l’angle de la comédie ».
La prochaine saisonnalité sera orientée vers les deux nouvelles cases : celle du dimanche soir destinée à un public familial, « appelée le 8e prime en interne pour souligner l’enjeu en termes de public et de concurrence », qui démarrera en septembre 2018, et celle de deuxième partie de soirée pour une mini-série qui pourra échapper à la réglementation de prime time en ciblant un public de + de 12 ans. Cette case ouvrira dès septembre prochain et permettra aussi de mieux exposer les rediffusions.
Développement : les auteurs veulent plus de transparence
Pascal Rogard a lancé la discussion avec le sujet sensible de la transparence des dépenses de développement. « Les auteurs prétendent que ces dépenses ont baissé et les producteurs qu’elles ont au moins stagné. Il semblerait qu’il y ait un gros hiatus entre la ressource consacrée par les chaînes et ce qui revient aux auteurs pour l’écriture. ».
Pour Caroline Got, les montants n’ont pas baissé. La directrice de la stratégie a souhaité contribuer à la transparence en donnant les chiffres globaux : 64 conventions d’écriture signées en 2015 pour 9 M€, soit 26 pour France 2 (5,2M€) et 38 pour F3 (3,8 M€) avec une moyenne de 60 000 € pour un scenario de 90’, 30 000€ pour un scenario de 52’ et 25 000€ pour un scénario de 52’ d’une fiction « à coût maîtrisé ».
Pour autant, Caroline Got n’est pas disposée à publier chaque montant de chaque film comme le suggère une auteure dans la salle. Vincent Meslet explique par ailleurs, que France Télévisions signe des conventions de développement avec les producteurs, et que rien n’empêche ceux-ci de consacrer une partie de la somme pour des repérages ou une consultation de scénario. Pour Pascal Rogard, cette question du « développement versus écriture » est toutefois le cœur du sujet : « On a longuement évoqué la question avec Frédérique Bredin, et le CNC est en train de revoir les méthodes pour isoler les vraies dépenses d’écriture ».
Débat : numérique et ligne éditoriale
Outre le sujet de la transparence qui a occupé une grande partie des débats, les auteurs ont posé plusieurs questions sur le numérique et la consommation délinéarisée. Plusieurs questions ont concerné aussi la ligne éditoriale. Et les responsables de France TV ont répondu oui à la comédie unitaire, oui au romanesque, oui au mélo… mais non à la suggestion de Jean-Louis Lorenzi de réserver une case sans ligne éditoriale. « L’offre est tellement diversifiée qu’on a besoin d’une couleur, de repères » a justifié Vincent Meslet.
Sophie Deschamps, présidente de la SACD, a demandé à ce que la production dépendante soit exemplaire dans le respect des contrats, de la charte et de l’embauche des auteurs français. Elle a aussi plaidé pour un guichet pour les auteurs au sein de France TV, afin qu’ils puissent s’informer des appels d’offre, de ce qui est lancé ou reste à trouver, sans forcément passer par les producteurs. Caroline Got a dit comprendre cette demande mais a souligné que la profession était organisée ainsi. Elle rappelle que les informations relatives aux projets de France Télévisions dans la fiction sont disponibles sur le site internet du groupe, à l’attention de tous, producteurs comme auteurs .
Dana Hastier a quant à elle vanté le triptyque auteur-producteur-diffuseur. « On a tous fait des mauvais choix et on ne peut pas s’entendre avec tout le monde, mais vous devez faire la route ensemble. Quand on travaille sur une série ou sur un magazine, le talent du producteur est fondamental. Le triptyque est indépassable ».
Béatrice de Mondenard