Théâtre 03 aoû 2016

Jacques Gamblin :« L'improvisation est la plus belle chose que la vie m'ait offerte »

L'auteur et comédien, lauréat du prix Théâtre 2016 de la SACD, était le 20 avril dernier l'invité d'Olivier Barrot pour l'avant-dernier numéro de la saison de Mots en scène. Le temps d'une rencontre propice à la confidence, il a souligné la place toute particulière qu'occupe l'impro dans son travail d'auteur.

Qu'il joue dans une grande salle comme le Théâtre du Rond-Point ou devant les 70 spectateurs de l'auditorium de la Maison des Auteurs pour Mots en scène, Jacques Gamblin ne plaisante pas avec son public. Le 20 avril dernier, la rencontre autour de son oeuvre dramatique s'est transformée en numéro d'acteur, où entre deux confidences recueillies par Olivier Barrot, il a joué davantage que lu des extraits de ses spectacles et même un texte inédit achevé d'écrire l'après-midi même. Un moment privilégié dans lequel Jacques Gamblin s'est investi sans compter.

De l'oral à l'écrit, de l'écrit à l'oral

Jacques Gamblin a largement évoqué l'improvisation, qui a joué un rôle central dans le processus de création de plusieurs de ses textes. Quincailleries, sa première pièce créée à Dijon en 1991, s'inspire de ses souvenirs d'enfance dans la boutique de ses parents. "A force d'interpréter les histoires des autres, j'ai eu envie de raconter les miennes. J'ai improvisé devant un magnétophone pendant 1 heure 20 et j'ai fait écouter la cassette au metteur en scène Yves Babin. Cet oral est devenu de l'écrit." Une méthode originale qui est devenue courante pour Jacques Gamblin : "L'écriture chez moi commence souvent avec de l'oral, qui devient ensuite de l'écrit, avant de revenir à l'oral."  

L'improvisation il la pratique depuis ses jeunes années et un stage d'expression corporelle suivi alors qu'il passait le BAFA pour devenir animateur de centre de vacances. "L'impro est la plus belle chose que la vie m'ait offerte en termes professionnels. C'est un muscle qu'on peut faire travailler à l'infini." Il y fera de nouveau appel en 2010 pour Tout est normal, mon cœur scintille. Dans une salle louée pendant 12 jours avec la metteure en scène Anne Bourgeois, il improvise par session de 3 à 5 heures face caméra. Sur la quarantaine de segments qui en sortent, il choisit 8 textes qui constitueront le squelette du spectacle. Puis il s'associe pour la première fois à des danseurs contemporains, Bastien Lefèvre et Claire Tran, pour dit-il "explorer l'absence du corps de l'autre". "Je voulais voir des corps qui bougent."

Marier le théâtre à d'autres arts

Ce rapport très physique au théâtre parcourt toute son œuvre. Il a retrouvé l'an dernier Bastien Lefèvre pour 1 heure 23" 14' et 7 centièmes, qui met en scène la relation d'un sportif et de son coach avec pour ambition d'"interroger ce qu'est la victoire". Pour préparer ce spectacle, qui sera joué l'an prochain au Centquatre à Paris dans le cadre du festival Séquence Danse, Jacques Gamblin a interviewé son partenaire des heures durant. 

Dans ce spectacle comme dans Tout est normal, l'un des défis qui attiraient l'auteur était de parvenir à marier sur scène danse et théâtre, deux disciplines qu'on dit souvent incompatibles. "Ces deux arts ont du mal à se donner la main, c'est connu. C'est pour ça que ça m'intéresse." Même chose pour le jazz, au cœur de Ce que le djazz fait à ma djambe, qu'il a créé avec le pianiste Laurent de Wilde en 2011. "J'aime que des gens un peu tièdes à l'égard de la danse ou du jazz aillent au théâtre, se laissent surprendre et en redemandent au final." "J'ai vu des gens réticents à voir de la danse contemporaine réclamer à la sortie du spectacle que le directeur de théâtre en programme davantage à l'avenir", s'amuse-t-il.

Étonnament pour un amoureux de l'impro, Jacques Gamblin n'était pas spécialement lui-même un grand connaisseur de jazz avant de rencontrer Laurent de Wilde par l'entremise de Denis Lebas. Le directeur du festival Jazz sous les pommiers à Coutances, leur propose à tous les deux de faire l'ouverture de l'édition 2011. Ce qui ne devait être qu'un "one-shot" comme il dit, a finalement été joué 66 fois en 4 ans au gré des tournées et le sera encore pour 45 dates début 2017 au Théâtre de l'Atelier. Le spectacle qui s'appelait au départ Gamblin jazze, de Wilde sextete a beaucoup évolué et continue de le faire. "C'est du spectacle vivant, ça bouge. Je peux changer le texte, c'est moi l'auteur. J'aime jouer les texte des autres mais là, c'est ma liberté."