Cinéma 17 oct 2016

« Pierre », l'hommage de Jean-Claude Carrière à Pierre Étaix

Jean-Claude Carrière salue la mémoire du cinéaste, son ami de longue date, disparu le 14 octobre.

Pierre

Pierre Etaix

Pierre était doué. Doué pour toute activité humaine. Il avait un rapport direct avec les hommes et les objets, avec les outils, les instruments de musique.

Il a été maître-vitrier, cascadeur, clown, auteur, dessinateur, peintre, acteur,  metteur en scène - et si excellent magicien que, par moments, je le soupçonne de s’être escamoté lui-même.

Par-dessus tout, il aimait rire. Rire et faire rire. Mais il ne s’agissait pas de n’importe quel rire. Il lui fallait un vrai rire de cinéma, qui a été celui des grands burlesques américains et, chez nous, de Max Linder, de Jacques Tati et de Pierre Étaix lui-même. Pas d’autres exemples au monde. Et nous avons dû admettre, vers la fin des années 1960 (après quatre longs métrages et trois courts en huit années de travail assidu), que ce genre s’éteignait, en France comme aux Etats-Unis. Pour quelles raisons ? Ce n’est pas à nous de le dire.

Nous en avons longtemps gardé la nostalgie, nous avons revu des films de ce temps-là, souvent nous nous les racontions l’un à l’autre, car nous les connaissions par cœur. Nous avons prodigieusement ri ensemble, et je sais que son rêve était de mourir de rire (c’est aussi le mien).

Cela n’a pas été le cas. Soixante années d’une amitié sans un nuage se sont dissipées, un matin.

Adieu, Pierre. Tu n’es pas venu pour rien, rassure-toi. Je ne vais pas me mettre à pleurer, car tu aurais détesté ça. Mais comme il sera difficile, désormais, de rire sans toi.

Jean-Claude Carrière

photo : Pierre Étaix en 2013 lors de la remise de son Grand Prix de la SACD - crédit LN Photographers