Hommage à Jean Larriaga
Sophie Loubière salue la mémoire de l'auteur, ancien administrateur Radio de la SACD, disparu le 25 décembre dernier.
Jean Larriaga: la part du lion
Il est des hommes pour s’interroger sur le sens de la vie, et il est des hommes pour la croquer littéralement. Jean Larriaga était de ceux dont l’aube précède l’instant joyeux de l’écriture, lorsque sur la page apparaissent les mots pour s’émouvoir, se raconter ou en rire. Que l’exercice soit scénaristique, théâtral ou radiophonique, Jean le maîtrisait avec ce sens de la fantaisie et de l’émotion, comprenant très tôt ce que la sincérité était au texte : toute sa valeur.
Né à Paris le 14 avril 1945, grandi dans des faubourgs d’après-guerre, ce fils de boulanger-pâtissiers est gourmand des autres, curieux de ce théâtre qui ce joue-là, dans la boulangerie de ses parents. Il observe, emmagasine ces petits récits du quotidien dont il fera bientôt son miel. Jeune fauve du quartier de la Madeleine, Jean use aussi ses fonds de culotte sur les fauteuils de cinéma, cherchant d’une main baladeuse le genou d’une fille. Cette boîte de Pandore géante, il la fera sienne. Bac philo en poche, il devient monteur de films, puis assistant metteur en scène à la Gaumont. Jean tourne son premier long-métrage en 1971, met en scène Aznavour, Hossein et Constantin, et se taille La part des lions.
Mais l’animal a depuis longtemps une maîtresse au doux nom d’Hitachi ; c’est un mini-transistor dont on tourne la bague pour y chercher les stations de radio. On y entend Max Roach et Coltrane au début des années 60. L’auditeur Larriaga bondit vite de l’autre côté du poste, écrivant de nombreuses dramatiques, acteur de ses propres programmes. Rien d’étonnant à ce qu’en 2014, il consacre un livre à FIP et à ces voix suaves qui plusieurs fois le tirèrent des embouteillages parisiens.
Auteur engagé, Jean fut aussi un administrateur radio passionné et très actif au sein de la SACD, toujours fidèle aux auteurs, curieux et disponible. Un homme grand qui, sous sa casquette, savait humer l’air du temps. Qu’il possède le don singulier de passer à travers les murs sans en être incommodé n’aurait étonné personne. Jean n’a pas écrit ce dernier livre dont il venait de faire promesse à son ami Victor Haïm. En ce jour de Noël, Le fils de la maison a choisi l’escamotage, butant contre une bûche au cœur glacée. Mais je le devine ici, de l’autre côté de la muraille, riant sous cape de cette ultime pirouette.
Que ses proches et ses fidèles amis toujours l’applaudissent car Jean, parmi eux et au travers de ses œuvres et de ses actions passées, demeure cet indomptable lion.
Sophie Loubière