Audiovisuel 23 jan 2025

Les producteurs doivent exploiter les oeuvres, confirme la justice

Dans un arrêt du 22 novembre 2024, la Cour d’appel de Paris s'est prononcée contre un producteur qui ne respectait pas ses obligations d'exploitation suivie, de conservation et de reddition des comptes concernant un film.

Le producteur d’une œuvre audiovisuelle qui ne respecte pas ses obligations d'exploitation s'expose à des sanctions. C'est ce que tranche la Cour d'appel de Paris dans son arrêt du 22 novembre 2024.  Dans l'affaire en question, le producteur n’avait procédé à aucune exploitation du film bien que cessionnaire des droits d’auteur depuis dix ans. Les griefs du demandeur portaient sur la violation de plusieurs obligations : l’exploitation suivie du film, la reddition des comptes et la conservation des éléments originaux du film. 

S’agissant de l’obligation d’exploitation prescrite par l’article L 132-27 du code de la propriété intellectuelle renforcée par l’accord professionnel du 3 octobre 2016 sur l’obligation de recherche d’exploitation suivie des œuvres cinématographiques et audiovisuelles, la cour a estimé que l’absence de démarche du producteur pour renouveler les droits d’exploitation du roman dont était tiré le film est constitutive d’un manquement à ses obligations.

La cour a rappelé ensuite l’obligation de reddition des comptes prescrite par l’article L 132-28 du code de la propriété intellectuelle et précisé que cette obligation essentielle n’est pas subordonnée à l’exploitation de l'œuvre car elle permet à l’auteur d’être informé de l’exploitation ou de l’absence d’exploitation. Le producteur n’a pas respecté son obligation de rendre des comptes. Il est donc clair qu’un producteur est tenu de procéder à la reddition des comptes indépendamment du caractère effectif ou non de l’exploitation de l’œuvre. 

Sur l’obligation de conservation, la cour rappelle l’article II-I de l’accord professionnel précité, le producteur devant faire ses meilleurs efforts pour rendre l'œuvre disponible dans des formats et supports adaptés aux modes d'exploitation ciblés, en tenant compte des usages du marché et des évolutions technologiques. La cour a considéré que l’absence de restauration du film avait empêché son exploitation, la diffusion du format non restauré étant incompatible avec les nouveaux moyens techniques. Le producteur a par conséquent manqué à son obligation d’exploitation conforme aux usages de la profession.

Par ailleurs, en première instance le tribunal judiciaire de Paris avait enjoint au producteur de restituer les supports originaux du film au demandeur. Cette remise avait bien été effectuée mais la cour d’appel a cependant constaté qu’auparavant le producteur avait indiqué à une association qui souhaitait diffuser le film qu’elle n’était en possession d’aucune copie du film. La cour a estimé que le producteur ne justifiait pas de démarches sérieuses pour en trouver.

En définitive, la cour a jugé que les manquements établis sont d’une gravité telle qu’ils rendent impossible le maintien du contrat de cession des droits d’exploitation et justifient sa résiliation judiciaire, l’obligation de restitution du matériel ayant été exécutée. Une décision qui a valeur de rappel indispensable : être détenteur des droits d'exploitation d'une oeuvre audiovisuelle s'accompagne d'obligations d'exploiter ladite oeuvre.

Consulter l'arrêt du 22 novembre 2024

Photo : Benh LIEU SONG