La suppression improvisée de la redevance audiovisuelle coûtera cher aux Français
L’Assemblée nationale a voté en faveur de la suppression, dès cette année, de la redevance audiovisuelle et son remplacement par l’attribution d’une fraction de TVA aux sociétés de l’audiovisuel public. Une solution précipitée et provisoire sans visibilité pour l’avenir du service public.Lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2022 à l’Assemblée nationale, les députés ont adopté la suppression, dès cette année, de la redevance audiovisuelle et son remplacement par l’attribution d’une fraction de TVA (Taxe sur la Valeur Ajoutée) aux sociétés de l’audiovisuel public.
Alors que l’avenir du service public et des moyens qui doivent lui être consacrés mérite des échanges sérieux et approfondis pour réformer et faire évoluer la redevance audiovisuelle, le gouvernement, et les députés qui l’ont suivi, ont fait le choix d’escamoter le débat.
A travers des amendements présentés dans un texte financier au cœur de l’été, sans étude d’impact et dans une totale improvisation qui a conduit à changer de modes de financements en cours de route, la réforme du financement de l’audiovisuel public relève d’un amateurisme inquiétant et repose sur des arguments qui ne doivent duper personne.
Non, la suppression de la redevance audiovisuelle n’est pas une mesure en faveur du pouvoir d’achat : comme l’a souligné le rapport de l’Inspection Générale des Finances et celle des Affaires culturelles, la suppression de la redevance privera surtout l’Etat de plus de 3 milliards d’€ qu’il s’est engagé à compenser en prélevant une portion identique sur la TVA. Faire disparaitre une recette tout en maintenant une dépense aboutira en l’occurrence à creuser davantage le déficit de l’Etat et à faire peser cette charge sur tous les Français, même les plus précaires, à travers une taxe beaucoup plus injuste que ne l’est la redevance, la TVA.
Non, l’Assemblée nationale n’a pas adopté un financement durable ou pérenne pour le service public. Elle a choisi une ressource très provisoire. Comme l’ont rappelé de nombreux parlementaires, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, affecter une part de TVA au bénéfice de l’audiovisuel public ne sera plus possible après 2025, cette taxe n’ayant pas de rapport avec les missions confiées au service public.
Non, la budgétisation ne donnera pas davantage de pouvoir aux parlementaires pour fixer le niveau des ressources du service public. A l’inverse, alors que le Parlement peut moduler à la hausse comme à la baisse le montant d’une redevance affectée, la mise en place d’une dotation budgétaire ou l’affectation d’une fraction de la TVA pour financer le service public restreint ce pouvoir et le limite à pouvoir uniquement baisser les crédits disponibles. Il appartiendra alors au seul gouvernement de fixer et d’établir le niveau maximal de ressources qui pourront être allouées au service public.
Si elle est adoptée définitivement, cette réforme précipitée et improvisée aura donc un coût très élevé pour les finances publiques, soumises à d’autres priorités et d’autres urgences, et sans gain réel de pouvoir d’achat pour les Français ; elle créera une solution intermédiaire et provisoire sans visibilité pour l’avenir du service public ; elle ne renforcera aucunement le rôle du Parlement dans la détermination du financement de l’audiovisuel public.
Convaincu que construire le futur de l’audiovisuel public mérite mieux que de la poudre aux yeux, la SACD appelle les sénateurs à rétablir un cap clair et cohérent : la focalisation sur des mesures qui permettent d’améliorer réellement le pouvoir d’achat des Français et l’accompagnement des collectivités locales ; le report de la suppression de la redevance audiovisuelle pour laisser le temps à une véritable concertation de se mettre en place, pour évaluer finement les scénarios disponibles et pour construire une réforme politiquement acceptable, économiquement dynamique pour le service public et fiscalement juste pour nos concitoyens.