Joël Pommerat : « Le processus de création de mes pièces est à chaque fois différent »
Le dramaturge et metteur en scène était l'invité d'Olivier Barrot le 4 février dernier dans le cadre de Mots en scène. Il est revenu sur son rapport à l'écriture, aux acteurs, en explorant vingt ans de créations au sein de sa compagnie Louis Brouillard. Une rencontre à voir ou revoir en intégralité en vidéo.Auteur d'une oeuvre abondante - en attestent la quinzaine de pièces toutes éditées par Actes Sud qu'Olivier Barrot avait apportée à la Maison des Auteurs-SACD le 4 février -, Joël Pommerat a la particularité de les avoir toutes écrites et mises en scènes lui-même au sein de sa compagnie Louis Brouillard fondée en 1990.
Au cours de l'entretien, il est longuement revenu sur le processus d'écriture, étroitement lié chez lui à la mise en scène et à la direction d'acteurs. L'importance qu'il accorde à ces derniers est en effet capitale, au point de les créditer d'un rôle dans l'écriture de la plupart de ses pièces. "Dès ma deuxième création, a-t-il expliqué, j'ai commencé à travailler sur le texte en même temps que j'entamais les répétitions. L'écriture de la pièce n'est terminée que quelques jours avant les représentations, voire, parfois, quelques jours après la première. En 20 ans, j'ai toujours travaillé sur une mise en participation des acteurs, mais de manière à chaque fois différente."
Joël Pommerat refuse en effet de ne distinguer qu'une seule approche. "Dans mes pièces d'il y a 10 ans, Grâce à mes yeux ou Au Monde, j'arrivais au début des répétitions avec du "matériau texte", des bribes de répliques que les acteurs devaient mémoriser. Ce n'est qu'alors que nous trouvions ensemble une structure, un récit. C'est un mode opératoire que je n'ai plus sur mes dernières pièces."
A l'époque, il considère qu'il faut "faire sortir le théâtre de sa linéarité, trouver des choses un peu plus sophistiquées que les unités de temps, lieu et action". Et transposer sur les planches, les relations au récit et aux personnages que se permettent le cinéma mais aussi et surtout, le roman, en s'autorisant par exemple à raconter des événements se déroulant sur plusieurs époques. Pour Mon ami (2001) et Grâce à mes yeux (2002), il en vient à chercher une forme d'abstraction dans le texte : "Ces pièces sont une invocation du creux, de l'espace vide. Ce ne sont pas de vraies histoires. Je n'y crois pas moi moi-même. Elles valent pour ce qu'elles révèlent d'autre."
A partir de Cercles/Fictions, créée en 2010, le processus d'écriture change. Joël Pommerat décide de privilégier une "improvisation à partir d'un scénario d'écriture bien défini". Les acteurs se voient indiqués des situations, des enjeux, des personnages, un contexte à partir desquels improviser et s'ils dévient, Joël Pommerat les ramène dans le cadre.
Sa pièce Au Monde a dernièrement fait l'objet d'une adaptation à l'opéra sur une musique de Philippe Boesmans. Comme pour Thanks to my eyes en 2011, qui était une adaptation de Grâce à mes yeux sur une musique d'Oscar Bianchi, Joël Pommerat en a écrit lui-même le livret en dialogue constant avec le compositeur. "Il y a deux manières d'aborder une transposition pour l'opéra, commente-t-il : soit on casse l'unité du texte et on prend une partie du tout, soit on garde l'entièreté de la structure narrative. Les deux fois, nous avons opté pour la deuxième méthode. Il a donc fallu resserrer le texte, en gardant le moins de mots possibles, pour laisser de la place à la musique." Créé en mars 2014 au Théâtre Royal de La Monnaie à Bruxelles, l'opéra Au monde sera joué les 22, 24, 26 et 27 février prochains à Paris à l'Opéra Comique.
Retrouvez en vidéo l'intégralité de la rencontre. La première partie est à visionner ci-dessous, les deux suivantes à découvrir sur notre chaîne YouTube.