Intelligence artificielle : un premier acte protecteur du droit d’auteur
Avec le vote à une très large majorité, ce jour, du règlement sur l’intelligence artificielle (IA), le Parlement européen vient de poser en Europe la première pierre de la régulation de l’IA.Alors que les secteurs créatifs et culturels, et en particulier les auteurs et autrices de l’audiovisuel, du cinéma, de l’animation, du web, de création numérique seront parmi les premiers à être concernés par le déploiement de l’IA, ce règlement européen a ancré des protections sans lesquelles le respect du droit d’auteur aurait été déstabilisé : la responsabilité des services d’IA, y compris les modèles de fondation en open source, à l’égard du droit d’auteur ; l’obligation de rendre publics des résumés suffisamment détaillés des œuvres utilisées pour entraîner les IA.
L’adoption de ce règlement constitue les prémisses d’une régulation qui reste largement à construire et à consolider. A cet égard, les travaux engagés par l’Office Européen de l’IA pour construire un modèle de résumé des données utilisées seront déterminants pour rendre l’obligation de transparence définitivement opérationnelle. La SACD plaide pour un modèle simple, effectif et aussi construit en concertation avec les professionnels, notamment les sociétés d’auteurs qui savent gérer des données multiples, foisonnantes et complexes tout en garantissant le respect du droit d'auteur et du secret des affaires.
A l’issue de ce vote, la SACD remercie en particulier les présidences espagnole et belge de l’Union, les députés européens et notamment les rapporteurs Brando Benifei et Dragoș Tudorache, ainsi que le Commissaire européen Thierry Breton pour leur engagement et leur détermination. Ils ont su trouver la voie d’un compromis raisonnable qui ne remet pas en cause la défense d’un modèle européen dans lequel le droit d’auteur occupe une place cardinale.
En revanche, elle déplore à nouveau l’enfermement des autorités françaises tout au long du processus législatif, et notamment celui de Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, et de Jean-Noël Barrot, ministre en charge du numérique, dans une logique inédite visant à la fois à éviter toute régulation de l’IA et à fragiliser en même temps le droit d’auteur pour un hypothétique bénéfice national, déjà fortement ébranlé par la prise d’intérêt américaine dans le service phare français. La SACD remarque que cette grave remise en cause du droit de propriété intellectuelle est en complète contradiction avec les positions de Bruno Le Maire et du gouvernement français lorsque cette propriété intellectuelle appartient à des entreprises.
Ce positionnement, qu’in fine, aucun autre Etat n’a rejoint, s’est fait à l’encontre de la politique engagée depuis des décennies de soutien à l’exception culturelle et à rebours des combats récents et des réussites françaises et du président de la République sur la scène européenne, qu’il s’agisse de la directive sur le droit d’auteur ou de la directive sur les services de médias audiovisuels.
Il est désormais urgent de changer de politique et de méthode pour retrouver de la cohérence et être à la hauteur des enjeux. Il est temps d’ailleurs de tourner la page du Comité stratégique sur l’IA. Ses propositions publiées aujourd’hui et qui heureusement évitent toute remise en cause du droit d’auteur et de l’obligation de transparence ne doivent pas faire oublier sa composition déséquilibrée, univoque et bancale, malgré la présence courageuse d’Alexandra Bensamoun, professeure de droit, et en dépit de la présidence d'Anne Bouverot. L’entre-soi et les nombreux conflits d’intérêt qui ont traversé cette Commission suffisent à jeter une suspicion sur son travail et interrogent sur l’indépendance et l’éthique de sa réflexion.
Les enjeux cruciaux pour la culture, qu’il s’agisse du rôle de l’IA dans la création artistique, de la protection du travail des auteurs et des métiers artistiques ou de l’avenir du droit d’auteur et de la rémunération des créateurs, méritent à l’évidence de remettre le ministère de la Culture au cœur de la réflexion et de l’action.
Les premières déclarations de la ministre de la Culture, Rachida Dati, rappelant l’importance de cette invention française qu’est le droit d’auteur et la nécessité de le conforter dans le monde de l’IA, sont très encourageantes.
Face à la volonté qu’elle a exprimée de se mobiliser fortement autour des enjeux culturels de l’IA et d’apporter des réponses qui renforcent notre modèle culturel, la SACD sera force de proposition et d’action afin de soutenir toutes les démarches en faveur des auteurs, de la création et d’une utilisation respectueuse des œuvres culturelles, qui ne sont ni des données ni des biens comme les autres.