Hommage à Robert Hossein
Sophie Deschamps salue la mémoire du metteur en scène, disparu le 31 décembre.Il a dit : « quand je vois passer un chien devant mon théâtre et qu’il n’entre pas, je suis malheureux. »
Robert Hossein était slave, magnifiquement excessif, dans la joie, les chagrins et la création. Il pouvait sangloter et rire dans la même phrase, hurler des indications, se mettre à genoux pour supplier un acteur, sauter de joie puis de colère, tout en faisant appeler un médecin de peur que son cœur ne lâche d’émotion.
Acteur, auteur, metteur en scène, réalisateur. Du théâtre du Vieux Colombier à Lourdes en passant par le Palais des Sports, la Comédie de Reims, le Stade de France, du petit au grand écran, il pourrait être dans le livre des records.
Une centaine de films, et pas des moindres. Acteur pour Jules Dassin, Roger Vadim, Claude Lelouch, Marcel Bluwal, Christian Jacques, Claude Autant Lara, Denys de la Patellière, Michel Boisrond, Nadine Trintignant, Roger Hanin, Georges Lautner, Sergio Gobbi , Tonie Marshall, Sophie Marceau, Raymond Rouleau, Bernard Borderie qui fit de lui l’inoubliable balafré Joffrey de Peyrac, etc.
Sur la centaine de films qu’il a tournés, Robert Hossein en a réalisé onze. Les salauds vont en enfer d’après Frédéric Dard, Pardonnez nos offenses et Toi le venin, toujours d’après Frédéric Dard, Les scélérats, La nuit des espions, Le jeu de la vérité, Le goût de la violence, La mort d’un tueur, Les yeux cernés, J’ai tué Raspoutine…
Il a aussi écrit des pièces : Les voyous joué au théâtre du Vieux Colombier, Responsabilité limitée au Fontaine, Vous qui nous jugez à l’Oeuvre, et Six hommes en question avec Frédéric Dard, au théâtre Antoine.
Et puis, il y a son impressionnante carrière de metteur en scène, de découvreur, d’entrepreneur.
Il a dit « le génie, c’est 18 heures de travail par jour, le talent c’est d’en trouver aux autres ».
Ouvert, généreux, attentif, il a donné sa chance à un nombre impressionnant de jeunes acteurs et actrices, il fut le premier à faire monter sur scène Isabelle Adjani et tant d’autres.
Il fut le premier à vouloir faire du théâtre au Palais des Sports. Un théâtre populaire, grandiose, pour tous les publics, faisant venir des cars de toute la France et même de Belgique, donnant accès à tous et à toutes au plaisir du spectacle vivant. En 1975, c’était un pari totalement fou de monter Le Cuirassé Potemkine puis Notre Dame de Paris, Les Misérables, Jules César, Danton et Robespierre, Marie Antoinette, Bonaparte, de Gaulle, Ben Hur au Stade de France, et puis Jésus, Jean-Paul II, et enfin Une femme nommée Marie, un spectacle offert aux pèlerins de Lourdes.
Frédéric Dard fut son frère, son alter ego, et Alain Decaux son ami. Seule la mort a pu les séparer.
Du Rififi chez les hommes à Une femme nommée Marie, quel trajet ! Trajet de démesure et de fidélité à ses amis, à ses collaborateurs, à ses interpètes.
Je me souviens de l’audition que j’ai passée quand il cherchait une comédienne pour jouer Miss Blandish. Je débutais, j’étais très jeune, je lis une scène et il me dit : « Tu auras une réponse dans huit jours. » Et moi de répondre : « Je vais à la montagne avec mon frère, il n’y aura pas le téléphone. » Il se met à hurler : « Ça veut faire du théâtre et ça part en vacances !!! » « Heu… ben oui, mais je peux annuler… » Le soir même, coup de fil, j’avais le rôle. Peut-être que s’il ne s’était pas mis en rogne, je n’aurais jamais eu la joie de travailler avec lui.
Et quel plaisir ce fut de vivre avec son équipe. Tous fidèles, tous attentifs, comme lui.
Puis ce fut Les Brumes de Manchester. Travailler avec lui, côtoyer Frédéric Dard, fut un immense cadeau, un souvenir inoubliable.
Il a dit : « Il faut croire en Dieu pour avoir foi dans les hommes. »
Il a dit aussi : « Il est plus important de savoir si Dieu croit en vous, que de savoir si vous croyez en lui. »
Robert était capable de toutes les générosités, capable de tout donner, même son nécessaire.
Il partageait, transmettait, et défendait ceux qui souffrent.
Nous nous sommes retrouvés lorsque la SACD lui a remis la Médaille d’Honneur. Ce moment d’émotion restera gravé à jamais dans mon cœur.
Merci Robert. Merci pour tout ce que tu as fait, donné, partagé.
Je pense aujourd’hui à Candice Patou son épouse, l’amour de sa vie, son ange gardien, son roc et sa lumière.
Je t’embrasse tendrement et tristement chère Candice.
Sophie Deschamps