Hommage à René de Obaldia
Victoir Haïm salue la mémoire du dramaturge, romancier et poète disparu à l'âge de 103 ans le 27 janvier dernier.Un jeune centenaire facétieux
Quand il avait fêté ses cent ans, René de Obaldia avait lancé en riant : "Je joue les prolongations !"
Cet académicien peu académique était connu des écoliers par ses poèmes où la fantaisie, l'insolence, jamais agressive, et les calembours constituaient un désopilant précipité chimique !
À la scène, ce triomphateur qui eut un succès planétaire avec Du vent dans les branches de sassafras, servi par un acteur de génie qui se nommait Michel Simon, fuyait les clichés : ceux qui se calquent sur le langage parlé pour "faire vrai" !
L'homme qui ose écrire : "il est mort d'une génuflexion de poitrine" ou qui donne à un personnage de la "haute" le nom de madame de Tubéreuse était capable de toutes les fantaisies langagières pourvu qu'elles le fissent rire... lui-même d'abord !
Au début des années soixante, les auteurs qui brillaient au firmament du théâtre se nommaient Ionesco et Beckett, maîtres de l'absurde, Brecht et Adamov, chefs de file des pièces engagées politiquement ; Audiberti ... mais aussi Billetdoux, ornant leurs dialogues de digressions fulgurantes !
Où se situait Obaldia révélé par Jean Vilar ? Dans une mouvance poétique, narquoise, insolite comme dans ce chef d'œuvre : Monsieur Klebs et Rozalie joué par deux grands de la scène : Michel Bouquet et Annie Sinigalia, des virtuoses ! Il fallait en effet des Paganini de la scène pour servir le texte pyrotechnique du roi René.
Il était donc plus proche de Jean Tardieu que d'André Roussin (ancien président de la SACD) et finalement... inclassable malgré le revirement de la critique décrétant qu'il était un auteur de boulevard !
Il était souvent l'invité de la Société des Auteurs et Compositeurs dramatiques. Il y recevait les hommages mérités de ses confrères, il y rencontrait ses amis jeunes, il souriait, il éclatait de rire, plus goguenard que sarcastique.
Au milieu des immortels du quai Conti, il avait côtoyé Alain Decaux qui fut aussi président de la SACD.
Auteur désengagé apparemment, mais passionné par les trésors de notre langue, il en fut un représentant tout à fait remarquable.
Victor Haïm