Hommage à la scénariste Colo Tavernier
Colo Tavernier nous a quittés. Laurent Heynemann, cinéaste et réalisateur, salue sa mémoire.Avoir connu Bertrand et Colo Tavernier dans les années soixante dix peut être considéré comme un privilège.
Il était déjà cet être sensible et volontaire, elle était cette jeune femme frêle et décidée, qui le bousculait avec attendrissement.
Elle s’appelait O’Hagan, de père Irlandais et de mère franco-espagnole et j’ai toujours pensé qu’elle aurait pu être la fille de John Ford tant le couple fusionnel qu’elle formait avec Bertrand se nourrissait d’humour et d’insolence, comme si leur cinéphilie n’était pas une accumulation de savoir mais une vibration devant les œuvres majeures du cinéma.
Leur complicité était enthousiasmante et, même après leur séparation dans les années quatre vingt, leur entente s’est prolongée dans l’écriture. Elle a beaucoup apporté au cinéma de Bertrand. Et elle est de toute évidence partie prenante par son regard passionné sur les êtres humains et par la confiance que Bertrand lui prodiguait de la réussite d'Une semainde de vacances, d’Un dimanche à la campagne ou de Daddy Nostalgie. Elle savait mettre à nu les sentiments les plus aigus et les émotions les plus profondes, les petites choses (those foolish things) qui font le prix de la vie. Mais aussi peindre avec âpreté et lyrisme les zones d’ombre : il faut revoir La Passion Béatrice, et ce si beau film de Claude Chabrol : Une Affaire de femmes.
Cette qualité si rare que l’on retrouve dans L'Appât de regarder les protagonistes les plus terribles en les comprenant mais sans les excuser, cette observation aigüe de la fragilité des femmes et des hommes, ce goût d’un lyrisme sans pathos, on les retrouve dans Le Petit garçon de Pierre Granier-Deferre et dans Clara, de la regrettée Helma Sanders-Brahms.
Colo Tavernier a beaucoup œuvré pour la télévision. Elle a écrit de très beaux téléfilms. Je me souviens d'Un Arbre dans la tête de Jean-Pierre Sinapi. Mais son talent était encore plus précieux au contact de réalisatrices, Caroline Huppert, Elisabeth Rappeneau ou Caroline Glorion.
Autant de films et téléfilms qui, par leur acuité, leur hauteur de vue, et leur précision dans l’observation des actes et des caractères de nos contemporains nous rendaient fiers de partager la grâce de son regard, de son humour et de sa vision de la vie, cette vie qu’elle aimait tellement.
Une note plus personnelle. C’est une pensée affectueuse pour Bertrand bien sûr, mais aussi pour leurs deux enfants, Nils, cinéaste de grand talent, et Tiffany, romancière haut de gamme, dont l’excellence de leur œuvre n’est pas le fruit du hasard.
Laurent Heynemann
Les obsèques auront lieu ce vendredi 19 juin et se dérouleront comme suit :
- à 10h30 au crématorium du Père Lachaise (attention les places sont limitées à 80 personnes maximum)
- à 15h30, au Cimetière Montmartre, entrée par le 20 avenue Rachel - 75018 (pas de restriction en nombre pour les personnes souhaitant être présentes)
Pour ceux d’entre vous qui souhaiteraient faire parvenir des fleurs au Père Lachaise, Tiffany Tavernier a indiqué que Colo Tavernier aimait les roses roses. Il conviendra d’indiquer le nom de Colo O’Hagan.