Hommage à Claude Boissol
La scénariste Michèle Letellier salue la mémoire du créateur des séries Les Globe-Trotters et Commissaire Moulin, réalisateur de nombreux films pour le cinéma et la télévision.
Il aurait eu 96 ans, ce 15 juin 2016. Il est parti, quelques jours plus tôt, le 25 mai, serein, dans ce Lot qu’il aimait tant. Il y avait son refuge, sa maison, où il se sentait si bien, auprès de son fils Marc.
Scénariste, réalisateur, Claude Boissol était un homme délicieux, généreux, talentueux et drôle. A plus de 90 ans, il avait toujours dix scénarios en tête, à l’affût de telle ou telle découverte qui pourrait faire un film formidable, se passionnant pour les civilisations anciennes, l’origine de l’écriture, la Mésopotamie, regrettait de ne plus pouvoir voyager, lui l’éternel globe-trotter. Mais, il continuait à parcourir le monde dans sa tête, à le refaire aussi, et nous embarquait avec lui, entre deux éclats de rire.
Claude Boissol nous laisse des dizaines de scénarios, et tant de films. Au cinéma : Toute la ville accuse (1956) son premier film comme réalisateur, avec Jean Marais, Napoléon II, l’Aiglon, Julie la rousse (Pascale Petit, Daniel Gélin), des tournages en Argentine, en Italie, en Espagne, avec Vittorio de Sica, Anita Ekberg : Les Trois etc. du Colonel… demandé par Fellini.
A la télévision, il crée Les Globe-trotters avec Edward Meeks et Yves Rénier, qu’il engage encore quand il crée Commissaire Moulin. Il y aura aussi Poly et de grandes séries qui font voyager (sa passion) dans l’Espace et le Temps : Le temps des As sur les débuts de l’aviation, Pour tout l’or du Transvaal sur la guerre des Boers, Les fils de la liberté au Québec, Les diamants du Président en Afrique du Sud. Il se lancera aussi avec succès dans des comédies : Marie-Pervenche, Espionne et tais-toi... Le spectateur lui doit de belles soirées !
Je l’ai connu il y a vingt-cinq ans. Il cherchait un scénariste pour un projet de film en Egypte. On lui avait donné mon nom. Il s’agissait d’adapter un roman, une comédie policière qui se déroulait lors d’un voyage organisé sur un bateau, au fil du Nil. Je trouvais l’idée sympa, mais j’avais deux problèmes : grande voyageuse solitaire, je n’avais jamais fait de voyage « organisé », et je n’étais jamais allée en Egypte. Qu’à cela ne tienne ! En deux minutes, Claude m’obtint du producteur un voyage chez les Pharaons. On était en 1991, juste après la Guerre du Golfe. Personne sur le Nil. J’ai pu, à loisir, visiter ces sites majestueux sans horde de touristes « dans le champ ». J’eus le meilleur guide égyptologue, revins même avec une thèse inédite sur Akhenaton qui emballa Claude et nous entraîna vers un autre projet de film, d’aventure historique celui-là.
Malheureusement, le producteur se fâcha avec la chaîne, l’Egypte tomba dans le Nil, engloutissant nos projets.
Alors, Claude m’embarqua aussitôt pour Prague… enfin, virtuellement. Les séances de travail étaient fructueuses, toujours dans la bonne humeur. Il débordait d’énergie, rebondissait sur une idée, une phrase. Il imaginait déjà le cadrage, me décrivait le décor, les plans qu’il ferait, ce qui me boostait, de séquence en séquence, et enrichissait mes dialogues. On faisait une bonne équipe. L’équipe que tout scénariste rêve de faire avec un réalisateur, chacun rendant l’autre meilleur.
Notre Printemps de Feu vit le jour, avec Marie-France Pisier et Andrzej Seweryn. Sur le plateau, il menait son équipe internationale avec brio, exigence, mais toujours avec courtoisie. Ce fut son dernier film. Il l’aimait.
Il continua à écrire, à imaginer d’autres films. A plus de 80 ans, il partit en repérage pour la Nouvelle Calédonie. On déjeunait régulièrement ensemble, les projets et les rires fusaient.
Par sa silhouette, son élégance, sa façon de faire, il me faisait penser à Clint Eastwood, ça l’amusait beaucoup, et lui plaisait.
Un homme bien, un vrai gentleman, Claude Boissol !
Merci à toi.
Michèle Letellier
Bonus : En 2009 – il avait presque 90 ans – on l’interviewa. Vous trouverez sur YouTube son récit rieur du tournage de Les Trois etc. du Colonel... avec Vittorio de Sica, en 1960 en Andalousie. Un vrai bonheur… et toujours ce rire et ce recul salvateur par rapport au métier et à lui-même.