Hommage à Alain Decaux
Jean-Louis Lorenzi salue la mémoire de l'auteur de télévision disparu, qui fut aussi président de la SACD.Alain Decaux à la SACD en 2013.
Il y avait l’homme de lettres, décoré, admiré, académicien, un peu pour la gloire, pas de celle qui est le deuil éclatant du bonheur, comme le disait Mme de Staël, mais surtout pour les mots qu’il adorait – il ne fut pas pour rien Ministre de la Francophonie - au point d’en défendre les accents circonflexes et les trémas. Il se mit aussi au service des auteurs en présidant la SACD aux côtés de son ami Jean Mathyssens.
Mais aujourd’hui, alors qu’il nous tire sa révérence, c’est au jeune homme de 30 ans que je pense. Au scénariste, à l’auteur de télévision. De ceux qui ont très vite compris qu’il ne fallait pas rater le rendez-vous avec la télévision française naissante. C’était dans les années 50 et lorsque mon père alla le chercher avec André Castelot, grâce au succès de leur Tribune de l’histoire radiophonique et aux succès de librairie de leurs écrits, ils se plongèrent dans l’ambitieuse aventure de l’histoire pour tous racontée à tous les publics de la télévision. Et qu’importe si la pensée dominante de certains exégètes de l’histoire avec un grand H raillaient celui, ceux qui osaient la vulgariser par des anecdotes.
Et pourtant c’était ne pas mesurer la qualité d’un travail colossal dont la remarquable évolution fut justement de ne pas contourner la complexité de l’histoire mais de la mettre à la portée du plus grand nombre en la rendant exaltante par la dramaturgie. Jusqu’à parfois atteindre l’irrévérence. Déranger parce que questionner, opposer des thèses, chercher la vérité, fût-elle gênante, trouver des réponses en s’efforçant de ne rien occulter.
Les anciens se souviennent et les curieux découvriront l’émouvante indignation de Voltaire dans Calas, l’affrontement de Danton et Robespierre dans La Terreur et la vertu, la croisade des Albigeois et l’extermination des Cathares au nom de la religion dominante.
C’était l’époque où l’audience se mesurait au désert des villes le soir après 20h. Où l’on se distrayait en se cultivant. Et où Alain Decaux et ses complices défrichaient, inventaient des voies à suivre.
Et puis je pense à l’homme qu’il était, au juste, à l’honnête homme quoi, dont Victor Hugo qu’il adorait aurait pu faire le portrait. Celui d’un ami qui n’hésita pas à nous héberger lorsque l’OAS voulait la peau de mon père, qualifié de réalisateur cégétiste communiste, et dont il resta solidaire, avec Castelot, quand le pouvoir gaulliste voulut s’en débarrasser en supprimant La Caméra explore le temps.
Lui offrant de continuer sans lui.
Ce qu’il refusa.
Et cela lui porta chance. Plus tard on le retrouva dans ses passionnants récits d’Alain Decaux raconte nourri de la même exigence de vérité historique. Et dans le théâtre à grand spectacle avec Hossein. L’aboutissement d’une œuvre magnifique.
Merci Alain. Tu étais de ceux qui croyaient au ciel, alors si tu as raison, sûr que tu y es déjà arrivé, et que tu y as retrouvé ta famille, tes amis, André, Marcel, Jean-François, Stellio…
Jean-Louis Lorenzi