Disparition de Jacques Taroni
Yves Nilly, premier vice-président de la SACD, rend hommage au réalisateur Jacques Taroni, figure majeure de la fiction radiophonique à France Culture.
Jacques et la radio, une si longue et belle histoire, et aujourd’hui, pour nous tous, l’infinie tristesse de perdre un ami précieux.
Hasard de calendrier qui montre combien la vie de Jacques et celle de la radio étaient imbriquées : les 50 ans de France Culture en septembre dernier au Palais de Tokyo et l’occasion de fêter Jacques en chevalier des Arts et Lettres ; le discours joyeux et émouvant d’Olivier Poivre d’Arvor, et Jacques entouré de très nombreux amis et fidèles compagnons du théâtre et des Arts. Petites et grandes histoires de Jacques et avec Jacques partagées ce soir-là dans la joie.
Jacques, le reporter caméraman de télévision, et déjà la littérature et les voyages, les chemins de traverse et les aventures. Dès 1970, réalisateur radio à Strasbourg, le théâtre, Koltès encore inconnu dont il réalise toutes les pièces. Puis, à partir de 1980, à Paris, de la fiction, du documentaire, des magazines, la curiosité insatiable, les rencontres, les voyages encore, les nuits magnétiques, les découvertes, les amitiés et les fidélités. Toujours à accompagner, essayer, dénicher, repérer, transmettre, rêver et créer des « moments de radio ».
Jacques, qui vous recommandait un livre, une mise en scène, une pièce, un acteur et partait voir de ce pas le spectacle qu’on lui avait conseillé en retour. Enthousiaste, oubliant de vieillir, trop occupé à inventer.
Mes souvenirs personnels avec Jacques, des voyages sonores et des éclats de rire, comme ces instants magiques à Marrakech, enregistrement en extérieur avec auteurs et acteurs français et marocains après une résidence d’écriture ; Jacques me confiant un dimanche avant mon départ un petit enregistreur numérique afin que j’écrive et enregistre des sons, les voix et fantômes de mon enfance marocaine, parce qu’il savait que je retournais là-bas pour la première fois et qu’il voulait être sûr de « capter » cela lors de sa réalisation. Voyage encore, à Bratislava, un atelier fiction de l’UER avec des réalisateurs radio de nombreux pays, à partir d’une photo noir et blanc de paisible après-midi de pêche, Jacques sortant d’on ne sait où sa bande son avec la joie d’une chanson de Trenet, une mouche, puis un avion de chasse et la guerre, l’enfance perdue. Nous avions les larmes aux yeux en écoutant son travail dans ce studio de la maison de la radio slovaque.
Et puis encore une ou deux histoires insensées que nous n’aurons pas eu le temps de réaliser mais que nous avons rêvées.
Qui ne sont rien en regard de tous les rêves d’auteurs qu’il a réalisés.
Yves Nilly
Dès mardi le portail fictions de France Culture vous proposera une sélection de quelques réalisations récentes de Jacques Taroni pour France Culture.