Directive SMA: l'ambition au rendez-vous de la transposition
Les projets d’ordonnance et de décret assurant la transposition de la directive SMAD, rendus publics hier et soumis à consultation publique, dessinent une modernisation utile et positive de la politique audiovisuelle de la France.Les projets d’ordonnance et de décret assurant la transposition de la directive SMAD, rendus publics hier et soumis à consultation publique, dessinent une modernisation utile et positive de la politique audiovisuelle de la France.
Avec une contribution en faveur de la création par les plateformes numériques par abonnement comprise entre 20 et 25% de leur chiffre d’affaires, Roselyne Bachelot, ministre de la Culture, fixe une ambition réaliste et les conditions d’un nouveau partenariat équilibré avec les services de vidéo à la demande.
D’une part, la création audiovisuelle et cinématographique française et européenne bénéficiera pleinement des nouveaux engagements financiers des plateformes autour d’un cadre clair et deux principes forts : pour l’audiovisuel, les investissements des plateformes devront être intégralement orientés vers les œuvres patrimoniales (fiction, animation, documentaire de création, spectacle vivant) qui resteront ainsi le pivot de la réglementation audiovisuelle. C’est un principe essentiel et protecteur que le décret réaffirme avec force et qui ne devra pas être remis en cause par le biais des conventions conclues avec le CSA ; une part minimale d’investissement au profit du cinéma est sanctuarisée, même pour des services majoritairement orientés vers l’audiovisuel.
D’autre part, les projets d’ordonnance et de décret évitent l’erreur de se faire en opposition avec les services de vidéo à la demande et sans comprendre ces nouveaux modèles économiques. Ils prennent à juste titre en considération la spécificité des plateformes, la nature de leurs catalogues, leur place dans la chronologie des médias et la répartition des visionnages entre audiovisuel et cinéma pour adapter leurs engagements. Dans cet esprit, la prise en compte des droits monde dans la comptabilisation des investissements des services de vidéo à la demande, qui sera intégrale pour l’audiovisuel et modulée pour le cinéma, est parfaitement légitime pour des services qui ont une couverture internationale.
L’ambition est claire, le cadre est souple et pourra d’ailleurs faire l’objet de modulations dans le cadre des conventions que les services concluront avec le CSA. Ces nouvelles conventions devront aussi tenir compte des accords professionnels qui seraient conclus à la suite de négociations devant désormais impliquer les auteurs sur les points qui les concernent. L’association des auteurs, représentés par leurs organisations professionnelles et leurs sociétés d’auteurs, à ces négociations professionnelles constitue en effet l’un des progrès majeurs que le décret comme l’ordonnance acte définitivement.
Les textes mis en consultation consacrent également des avancées importantes, proposées par la SACD, afin de sécuriser les contrats des auteurs et de faire respecter leurs droits moraux et patrimoniaux. La mise en place de clauses-types dans les contrats audiovisuels des auteurs garantissant la stricte application du droit d’auteur à la française et qui conditionnera l’accès aux aides du CNC va ainsi devenir une réalité. De même, les œuvres qui ne sont pas conformes au droit d’auteur et qui contiennent des clauses dites de « buy-out » privant les auteurs de leurs droits moral et patrimonial ne pourront pas être comptabilisées dans les obligations d’investissement des plateformes.
Cette modernisation de la politique audiovisuelle française, affirmée avec justesse par ces textes, ne pourra toutefois intervenir qu’après la promulgation de la loi DDADUE dont l’examen doit pouvoir se poursuivre rapidement au Parlement. Ce projet de loi sera aussi le socle de la transposition des directives Droit d’auteur et Cab-Sat dont l’urgence de la mise en œuvre est aussi grande que celle de la directive SMAD.
Pour autant, la réforme de la politique audiovisuelle française ne devra pas s’arrêter avec ces nouvelles règles pour la vidéo à la demande. Elle devra se prolonger avec la modernisation du cadre applicable aux chaînes de télévision en veillant à conforter leur engagement en faveur de la création comme la nature et l’étendue de leurs droits et, pour les acteurs de la télévision payante, à créer un cadre homogène et équitable avec les plateformes de la vidéo à la demande par abonnement.
Enfin, le renforcement de la protection des auteurs, dans leurs relations contractuelles avec les producteurs, devra être une priorité. C’est encore un angle mort de la politique audiovisuelle.