Avenir de l’audiovisuel public : le rapport inquiétant des députés Gaultier et Bataillon
A la suite de la publication du rapport des députés Jean-Jacques Gaultier et Quentin Bataillon à l’Assemblée nationale sur l’avenir de l’audiovisuel public, la SACD soutient la volonté marquée de dégager un financement pérenne pour le service public mais regrette des propositions très inquiétantes sur la publicité et l’organisation des entreprises.L’avenir de l’audiovisuel public, essentiel pour assurer le financement et la diffusion de la création et pour offrir au public des programmes diversifiés, ambitieux et de qualité, ne peut se construire qu’à la condition de lui garantir une ressource certaine, dynamique et affectée.
La volonté affichée par les deux députés de partager cette position et de défendre un tel cadre de financement est importante pour battre en brèche une budgétisation du service public, qui n’offrirait aucune des garanties nécessaires d’indépendance et de pérennité du financement. La SACD demande désormais au gouvernement de prendre rapidement une position claire et définitive sur les perspectives budgétaires et les mécanismes de financement de l’audiovisuel public, en particulier à partir des deux dispositifs proposés : l’affectation d'une partie de la TVA après 2025 et la modification nécessaire de la loi organique relative aux lois de finances ; l’instauration d'un dispositif de Prélèvement sur Recettes pour le financement d’Arte, qui pourrait aussi s’étendre à l’ensemble de l’audiovisuel public.
Le renforcement souhaité de la présence et de la diffusion des programmes et oeuvres culturels sur les services de l’audiovisuel public constitue également l’un des apports positifs des propositions de la mission d’information et une ambition qui devra trouver sa traduction dans les contrats d’objectifs et de moyens actuellement discutés.
Malheureusement, ce rapport contient également d’autres propositions qui sont de nature à déstabiliser le fonctionnement des entreprises de l’audiovisuel public et à fragiliser des pans entiers de leur financement.
A cet égard, la proposition de supprimer totalement la publicité sur les réseaux numériques de France Télévisions et le parrainage sur les antennes de France Télévisions est incompréhensible, incohérente et irresponsable.
Incompréhensible et incohérente car elle risque de priver chaque année France Télévisions de plus de 100 millions d’euros tout en profitant essentiellement, non pas aux chaînes privées, mais à l’essor des offres publicitaires des plateformes de vidéo à la demande par abonnement. On se demande où se niche la défense de la souveraineté culturelle française dans une telle proposition.
Irresponsable car vouloir substituer à cette perte de recettes le fléchage d’une partie de la taxe sur les services numériques, qui est une taxe temporaire et qui s’éteindra prochainement, n’est pas sérieuse. D’ailleurs, dans son récent rapport, le sénateur Julien Bargeton avait justement refusé d’asseoir les nouveaux financements du Centre National de la Musique sur cette taxe non-pérenne.
La SACD comprend également et partage la volonté de renforcer les synergies entre les entités des services publics, notamment pour peser davantage dans le monde numérique. Elle considère en revanche que l’instauration d’une holding - également formulée par la proposition de loi sénatoriale déposée par le président de la Commission des affaires culturelles, Laurent Lafon - regroupant France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’INA n’est ni une priorité ni une nécessité.
A la place des économies espérées et des convergences recherchées, ce Meccano industriel offre toutes les chances de conduire à l’inverse : une explosion des coûts financiers les premières années ; la redéfinition d’un cadre social qui risque de coûter cher ; la constitution d’un mille-feuille lourd de ses procédures bureaucratiques ; une réorganisation dont le potentiel à paralyser les unités de programmes et à générer des conflits de compétences et de pouvoirs est importante.
A l’heure du numérique, l’agilité des entreprises est évidemment un atout essentiel dont serait dépourvu ce nouveau groupe à l’organisation trop lourde, aux métiers si différents, aux économies et aux logiques de production si incomparables.
Le service public de l’audiovisuel, qui est un pilier pour la création, n’a pas besoin de perdre du temps dans une réorganisation couteuse, conflictuelle et inutile. Il n’a pas non plus besoin de subir des décisions qui le priveraient de ressources absolument nécessaires. Au contraire, il est plus que jamais indispensable de lui donner les moyens lui assurant une visibilité, une dynamique et une pérennité des ressources, autour d’un cadre et d’orientations stratégiques ambitieux et respectés.
C’est la responsabilité des parlementaires et de l’Etat de s’inscrire dans cette démarche et de faire du service public le fer de lance d’une offre publique s’adressant à tous, sur tous les supports et plaçant au coeur de son développement la création audiovisuelle et cinématographique.