Audiovisuel 04 mai 2020

Audiovisuel : un service public essentiel

La SACD et les auteurs de son conseil d’administration demandent le renforcement du service audiovisuel public.

Avant l’annonce par le président de la République de mesures en faveur de la culture, la SACD et les auteurs de son conseil d'administration lancent un appel pour renforcer l’audiovisuel public qui n’a cessé de prouver, depuis le début de la crise que nous vivons, toute son importance.

« Dans cette crise, on ne dira jamais assez quel rôle essentiel a joué l’audiovisuel public. La mobilisation de France Télévisions et d’Arte comme de Radio France pour continuer à informer nos concitoyens, à rendre plus proche la culture, d’hier comme d’aujourd’hui, à enrichir son offre pour s’adapter à la crise, doit être soulignée.

En sachant proposer des programmes accessibles et exigeants, en ne laissant sur le bord de la route aucune tranche de notre population, en étant capable de mettre sur pied ce qui a été la plus grande école de France, ces entreprises publiques ont exprimé, plus que toute autre initiative ou démarche, ce qu’est une mission de service public en temps de crise. Malgré les mesures d’économies drastiques auxquelles les entreprises publiques de l’audiovisuel ont été soumises ces dernières années, elles ont relevé le gant à la faveur de cette crise en misant en particulier sur la créativité et l’innovation.

Il faudra s’en souvenir quand s’esquisseront les premiers plans de relance car si notre service public est utile et essentiel, il est aussi fragile et précaire.

Les efforts qu’il a engagés pour être au rendez-vous avec les Français ne pourront se maintenir si nous ne sortons pas vite des sentiers battus des logiques comptables. A défaut, elles pourraient vite devenir des ornières embourbées, bouchant l’horizon de l’audiovisuel public.

Pour les éviter, deux mesures devraient être rapidement annoncées et servir de socle au futur service public de l’audiovisuel.

Dans la crise, France 4, dont la fermeture est toujours fixée au 9 août, s’est révélée unique, indispensable et plébiscitée par le public. Accessible à tous sur le territoire français, diffusée gratuitement sur la TNT et sans publicité, France 4 est une chaîne d’utilité publique, qui montre ainsi qu'elle est irremplaçable tant dans sa mission initiale de divertissement des enfants que dans la mission éducative qu’elle a su aussi prendre en charge au plus grand profit des enfants et des familles.

C’est aussi sa force : France 4 permet de s’adresser à tous les enfants de France, sans exception, quel que soit l’endroit où ils habitent, l’équipement informatique et numérique du foyer et la qualité, ou parfois même, l’existence des connexions à Internet. Ne l’oublions pas, la France reste un pays où, comme l’a d’ailleurs rappelé le président de la République dans son allocution du 13 avril, la fracture numérique reste encore malheureusement une réalité tangible, qui recoupe souvent des fractures géographiques et sociales minant le pacte social.

Le gouvernement devra nécessairement en tirer toutes les conséquences, regarder la réalité avec des yeux neufs et renoncer à une fermeture, déjà contestable avant la crise, et qui serait totalement injustifiable dans ce nouveau contexte.

De la même manière, les trajectoires financières tracées depuis plusieurs années pour l’audiovisuel public et qui l’exhortent à baisser drastiquement ses dépenses d’ici 2022 sont un héritage dont il faudrait accepter de se défaire. « Nous ne sortirons pas de la crise comme nous y sommes rentrés » a dit et répété le ministre de la Culture. C’est un engagement encourageant qui souligne une urgence, celle de remettre à plat des perspectives de financement dont l’horizon s’arrêtait aux économies budgétaires alors que les urgences sont là : faire face à la crise, renforcer, comme l’a d’ailleurs annoncé Delphine Ernotte, le financement de la création française et européenne et déployer les offres numériques de ces groupes sont quelques-unes d’entre elles.

A l’heure où chaque secteur économique prépare des plans de relance massifs, qui bénéficieront de ressources publiques conséquentes, rien ne justifierait de laisser sur le bord de la route de cette relance un audiovisuel public qui joue un rôle si précieux.

Nous serions alors en face d’une triple faute : républicaine car elle ne serait pas à la hauteur du rôle fédérateur qu’un service public doit proposer à toute la population ; économique car elle mettrait sous pression des entreprises qui devront rétrécir leurs offres et leurs investissements ; culturelle car France Télévisions et ARTE comme Radio France sont des acteurs historiques et majeurs du financement et de la diffusion de la création française, qui a été la première impactée par la crise et dont le redémarrage s’annonce long et précaire alors que les cinémas et les théâtres restent fermés et les tournages interdits. Clairement, le plan de relance de l’audiovisuel public serait aussi un pilier solide pour faire repartir la création française.

Inventif, créatif, ambitieux, disruptif même. Ce sont les voies qui doivent guider le gouvernement pour dessiner le futur du service public de l’audiovisuel. Il faudrait ajouter également, optimiste, dans le sens que lui donnait Winston Churchill : "Un pessimiste voit la difficulté dans chaque opportunité, un optimiste voit l’opportunité dans chaque difficulté". L’occasion est trop belle pour la laisser passer. »

Appel signé par la SACD et par les membres de son conseil d'administration : sa présidente Sophie Deschamps ; son premier vice-président Laurent Heynemann ; ses vice-présidentes Séverine Jacquet (télévision), Joanne Leighton (musique et danse), Laurence Katrian (télévision), Marie-Castille Mention-Schaar (cinéma) et Panchika Velez (théâtre, administratrice déléguée à la mise en scène) ; ses administratrices et administrateurs délégués Catherine Cuenca (création interactive), Luc Dionne (président du comité canadien), Mathilde Maraninchi (animation), Frédéric Michelet (arts de la rue), Jani Nuutinen (cirque), Barbara Sylvain (présidente du comité belge), Catherine Tullat (radio) ; ses administratrices et administrateurs Nelly Alard, Marion Aubert, Sylvie Bailly, Denise Chalem, Louis Dunoyer de Segonzac, Michèle Dhallu, Jacques Fansten, Jean-Paul Farré, Graciane Finzi, Fabienne Gambrelle, Jean-Xavier de Lestrade, François Rollin, Rufus, Dominique Sampiero, Bertrand Tavernier et Laurent Tirard.