Théâtre 17 juin 2020

Hommage à Marcel Maréchal

La réalisatrice Christiane Spièro salue la mémoire du metteur en scène et comédien Marcel Maréchal, disparu le 12 juin dernier.

Marcel Maréchal nous a quittés le 12 Juin 2020. Directeur de théâtre, metteur en scène, comédien, écrivain, avec lui, disparaît le dernier grand pionnier de la décentralisation, ce théâtre populaire, qu’il a servi pendant plus de 60 ans, en donnant naissance à des œuvres exigeantes et en réunissant toujours un très large public.

D’abord au Cothurne, puis au théâtre du Huitième à Lyon. Au théâtre du Gymnase à Marseille en 1975. Puis en 1981, il crée avec François Bourgeat, le Théâtre de la Criée, théâtre National de Marseille, qu’il mène avec un succès inégalé pendant 14 ans. En 1995, il prend la direction du Théâtre du Rond-Point qu’il restaure et auquel il donne sa forme actuelle. En 2001, il prend la direction des Tréteaux de France et crée le Théâtre de Figeac.

Marcel Maréchal a monté bien sûr bon nombre des grandes pièces du répertoire, Molière, Shakespeare, Hugo, Musset, Brecht, mais il a été un découvreur de dramaturges contemporains, avec lesquels au-delà de la collaboration professionnelle fidèle, il entretenait des rapports d’amitié. Jacques Audiberti fut son père spirituel, Louis Guilloux, qui comme Marcel Maréchal était d’origine populaire (le père de Louis Guilloux était cordonnier, celui de Marcel chauffeur routier), et Jean Vauthier, qui trouva en Marcel son metteur en scène et son acteur fétiche, car disait-il chez Maréchal l’ardeur de l’adolescence persistera.

Et cette ardeur de l’adolescence, elle a persisté toute sa vie, tout comme son énorme appétit de la vie et sa fidélité.

Fidélité à ses acteurs : Pierre et Catherine Arditi, Maurice Bénichou, Marcel Bozonnet, Bernard Ballet, qu’il avait découvert à Lyon dès leurs débuts…

Fidélité à ses amis.

J’ai eu l’énorme privilège de faire la connaissance de Marcel Maréchal en 1986, pour le tournage de mon troisième film, Les 10 petites bougies noires, sur un scénario de Jean Cosmos. Marcel, lui, signait sa 100e mise en scène et m’avait assuré que lorsqu’il était comédien, il était « comme un bébé ». J’avais pensé tout d’abord que c’était pour me mettre à l’aise, mais c’était vrai ! Sur un tournage, Marcel donnait sans compter, il ne s’épargnait pas, il n’avait pas peur de s’abîmer dans ses rôles lui qui disait avec humour, que quand il jouait, il entrait en religion et était « un fils docile de l’Église ».

Nous nous sommes retrouvés en 1998 pour un autre film, Meurtres sans risque. Il tenait le rôle d’un salaud  particulièrement dramatique mais tellement attachant, que j’ai le souvenir d’avoir pleuré sur le tournage en le regardant jouer.

Au fil de ces trente années, où j’ai eu le bonheur de ne pas le perdre de vue, ce qui est rare dans nos métiers, Marcel Maréchal a été pour moi un initiateur de grandes œuvres théâtrales, il m’a fait découvrir Jean Vauthier, Valère Novarina, Pierre Laville etc…

Marcel écrivait aussi, Rhum limonade, Saltimbanque et de magnifiques adaptations des Trois mousquetaires et du Capitaine Fracasse, que j’ai eu la chance de voir mais aussi de lire, donc d’apprécier la langue.

II y a encore un an au Poche Montparnasse, Marcel lisait Mon père, superbe récit de transmission de Jean Renoir sur son père peintre.

Marcel disait : « L’amour est, pour moi, une notion de compréhension du monde. » Et je pense bien sûr à Luce son épouse, à ses enfants, et en particulier à Mathias, qui a été formé par son père et qui suit merveilleusement ses traces.

Comme le Capitaine Bada, Marcel s’en est allé au Paradis des artistes en s’envolant à bord d’une nacelle fonctionnant grâce à la salive des anges.

Christiane Spièro

 

Les obsèques de Marcel Maréchal auront lieu ce vendredi 19 juin à 10h30 à l’église Saint-Roch à Paris.